Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/109

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moyen ». Force nous est aujourd’hui comme alors de nous figurer le type d’homme qui représente la normale, un minimum normal, et dans lequel s’efface toutes les différences individuelles et les différences de groupes. Ce n’est pas que nous devions nier l’existence de ces différences mais parce que toute totalisation sociologique serait impossible, si nous ne procédions ainsi. Cet homme moyen est une abstraction scientifique destinée à faciliter les études et la compréhension des phénomènes des masses. On peut le définir comme ayant un corps matériel et un esprit ; le corps a des sens plus ou moins développés, son esprit comprend des facultés : intelligence, volonté, sentiments. Cet homme a une double nature : individuelle et sociale. Il est en premier lieu l’homo economicus, produisant, échangeant, consommant des produits. Cet homme a des sentiments et des ressentiments, des aspirations et des idéals. Il vise surtout comme but suprême à l’indépendance, qu’il juge préférable même à la richesse, même à la paix, et sans laquelle aucune élévation vraie ne saurait être possible[1].

L’homme isolé et l’homme en masse obéissent en général aux mêmes mobiles. Les mêmes procédés provoquent les mêmes sentiments, les mêmes réactions, qu’il s’agisse de mauvais traitements, de menaces, d’accès de colère, d’actes de domination, de marques de sympathie, le résultat sera le même dans le cercle de la famille ou de l’amitié, dans le cercle de la nation ou dans le cercle des nations. Et les forces réunies tendent à favoriser la création d’un type d’« homme minimum international », produit d’influences éducatives identiques au fond dans les divers pays.

7. Tous les hommes ne rentrent pas dans la définition de l’homme-type. Il y a, au dessous, l’homme anormal (dégénérés, insuffisants, fous, criminels, incapables, etc.), au-dessus les hommes supérieurs, les génies. L’action de ceux-ci s’inspire des motifs originaux. Leur rôle est immense pour influencer les masses et les élever vers des conceptions nouvelles et plus hautes. Les anormaux au contraire ont une action nocive. Ils détruisent l’œuvre sociale, ou bien, impuissants à y coopérer, ils sont un lourd ballast formé de tous les déchets de la civilisation que la société doit entraîner avec elle. L’anthropologie et la sociologie criminelle en précisent de plus en plus les conditions d’existence. Quand sera définitivement acceptée la notion d’une Société de nations, société supernationale englobant les sociétés nationales, de nouveaux crimes, de nouveaux délits seront définis. Corrélativement de nouvelles catégories d’anti-sociaux seront reconnus, les retardataires de l’évolution qui représenteront au sein d’une civilisation pacifique et mondiale les types guerriers, dominateurs et conquérants des âges passés.

  1. F. Nitti — Wallas, Human nature in Politics, 1908.