Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

3. Les progrès de la cause féminine ont été rapides en ces dernières années. Dans les pays les plus avancés, l’émancipation de la femme est inscrite dans les lois. Quelques États lui ont conféré des droits électoraux, certains même des droits à l’éligibilité. Tel est le cas du Danemark, de la Finlande, de divers États de l’Union américaine. Comme le disait déjà Gladstone, « si les femmes ne peuvent avoir souci de participer aux affaires de l’État, celui-ci a besoin des femmes pour l’aider à bien administrer la chose publique ».

La guerre est venue accroître subitement l’importance sociale des femmes. C’est dans le plus profond de leurs affections qu’elles sont atteintes, comme mères, épouses, fiancées, amantes. Elles se sont raidies contre la souffrance de leur cœur et ont apporté partout leur aide compatissante. Les Croix-Rouges sont l’œuvre des femmes[1].

Elles ont dû faire autre chose encore. La vie économique les a réclamées. Elles ont dû remplacer les hommes mobilisés ; aux champs, dans les usines, dans les villes, aux transports on les a vues accomplir vaillamment et avec ponctualité des travaux qui jusque-là étaient réservés à leurs maris et à leurs tifs. Ainsi, dans presque toutes les branches de l’industrie allemande, les femmes soin aujourd’hui employées avec succès, mais c’est le rôle qu’elles jouent dans les industries de la guerre qui est de beaucoup, le plus intéressant. Quarante pour cent des ouvriers travaillant à la fabrication des explosifs, des obus et à l’emballage des cartouches, sont des femmes. Et en outre, les femmes forment quinze pour cent de la main-d’œuvre occupée à la fabrication de la sellerie militaire, cinquante pour cent du personnel des manufactures de tentes, havresacs, etc., trente-trois pour cent des ouvriers de l’industrie pharmaceutique, quinze pour cent de l’industrie chirurgicale et vingt pour cent des ouvriers de l’optique. Dans les fabriques de conserves travaillant exclusivement pour l’armée, il y a soixante-quinze pour cent de femmes et dans les fabriques de drap militaire septante pour cent. Dans les autres pays la participation des femmes n’est pas moindre. Résultat parfois imprévu : cette participation aux industries de guerre leur ont valu des droits spéciaux. Ainsi en Russie les femmes ont pris part le 12 novembre 1915 aux élections des délégués ouvriers aux comités des industries de la guerre. On a demandé en Allemagne que les femmes entre 16 et 22 ans accomplissent une année de service volontaire pour les travaux agricoles et domestiques, les frais étant couverts par un impôt sur les célibataires. En Autriche, le gouvernement s’est proposé une sorte de mobilisation générale des femmes pour les faire participer aux travaux de l’arrière.

  1. Noëlle Roger, Héroïques femmes de France. Les carnets d’une infirmière. Paris, Attinger frères, 1915. Exemples d’œuvres en Belgique. «L’Union patriotique des femmes belges. »