Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/264

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magne et les négociants de tous pays seront difficiles ; tout représentant allemand sera chez les peuples alliés entouré d’ « une atmosphère de répulsion et de suspicion », mais alors interviendra « un des facteurs de l’évolution économique : la séparation de l’homme et de la chose ; le marchand de blé de Paris ne connaît ni le producteur de blé du Dakota, ni le courtier de Chicago et de Liverpool. La personnalité du producteur et des acheteurs est ignorée ; c’est d’un côté la qualité, la quantité et le prix de la marchandise, d’autre côté les besoins et le pouvoir d’achat qui constituent les coefficients des échanges[1] ».

7. D’autres s’attendent à un état de marasme après la guerre. Dans les pays neutres en particulier, certains pensent qu’il faut réagir énergiquement contre l’optimisme excessif qui règne à ce sujet dans trop de milieux[2]. Ils estiment que dans les États belligérants l’optimisme est de commande afin de maintenir le moral des combattants, de ceux qui sont à l’arrière du front, aussi bien que de ceux qui sont sur le front. On y voit, disent-ils, la plupart des économistes, dans un but patriotique, soutenir des idées diamétralement opposées à celles qu’ils professaient jadis au sujet de la guerre.

La crise actuelle à la vérité ne peut se comparer aux guerres précédentes. 1° Les frais de la guerre n’ont aucun rapport avec ceux de la campagne 1870-1871 par exemple. La dépense totale de cette campagne équivaut à peine aux charges mensuelles du conflit mondial. 2° La perte en hommes est effrayante et constitue un déficit formidable pour l’économie nationale. 3° Les conséquences indirectes de la guerre sont, du point de vue économique, plus graves encore que les conséquences directes. 4° Ces conséquences s’étendent à tous les États, aux non belligérants comme aux belligérants. — Les prévisions s’établiraient donc comme suit : a) les industries de tous les pays vont avoir à accomplir un travail considérable d’adaptation, de transformation de leurs méthodes. On maudira l’organisation allemande, on médira d’elle, mais chacun, réveillé à la réalité d’une supériorité dans les méthodes, cherchera à les faire siennes. b) Certaines transformations économiques peuvent être entrevues ; les industries de luxe vont surtout à avoir à souffrir une fois que se détendra la tension artificielle qui règne actuellement, qui est soutenue par tous les États et alimentée en grande partie par les industries de guerre, et qu’il s’agira pour le monde économique et financier de retrouver son équilibre. c) Un boycottage systématique des marchandises sera probablement organisé ; on prévoit surtout le boycottage des marchandises alle-

  1. Yves Guyot (supplément aux feuilles de dépêches de l’Agence économique et financière). Programme no 2, mars (Russie).
  2. Eggenschwyler, Die Schweizerische Volkswirthschaft am Scheideweg, Zurich, Orell-Füssli, 1915.