Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/290

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Dans le consistoire du 6 décembre 1915 Benoît XV a dit : « Déjà à plusieurs reprises suivant les traces de nos prédécesseurs, nous avons déploré la condition du souverain pontife, qui est telle qu’elle ne lui laisse pas cette pleine liberté qui lui est absolument nécessaire pour le gouvernement de l’Église. Mais qui ne constate cette situation si évidente, plus manifeste encore dans les circonstances actuelles. Sans doute les bonnes intentions d’éliminer Les inconvénients de cet état de choses n’ont pas fait défaut à ceux qui gouvernent l’Italie ; mais cela même démontre clairement que la situation du pontife romain dépend des pouvoirs civils, et qu’elle pourrait, avec un changement de personnes et de circonstances, subir elle-même des changements et des aggravations. » On a remarqué que le pape n’a pas fait allusion au pouvoir temporel, mais seulement réclamé des garanties pour l’indépendance du Saint-Siège, et, chose nouvelle, son ton est conciliant. Le pape, disent les catholiques, voit les choses du « point de vue éternel », qui est celui de l’Église. Quelques jours après le Consistoire, M. Orlando, ministre de la justice d’Italie, répliquait à la Chambre italienne : « Grâce à la vigilante loyauté de l’Italie, tandis que dans d’autres grandes luttes, autrefois, la qualité sacrée du chef de l’Église, n’avait pas empêché que le souverain temporel, de Grégoire VII à Boniface VIII et à Pie VII, souffrît de la violence des persécutions, le souverain pontife gouverne aujourd’hui l’Église et exerce son très haut ministère dans la plénitude de ses droits[1] ».

Durant la guerre des polémiques très vives se sont élevées au sujet de la situation du pape. Son interview avec Latapie, mal démentie, avait témoigné, dans les premiers temps au moins, d’une sympathie, marquée pour les empires centraux. On y a vu l’effet d’une promesse de restauration du pouvoir temporel (le pape et l’empereur).

Le pape, au début de la guerre, n’a élevé aucune protestation ni contre la guerre, ni contre la violation du droit, ni contre les horreurs commises, mois il est intervenu assez tardivement par une lettre aux souverains pour prêcher la paix. Il s’est entremis pour les prisonniers de guerre et a entretenu des relations spéciales avec les gouvernements de Hollande (légation spéciale créée), de Suisse et des États-

  1. Bompard, La papauté en droit international, 1888. — Olivart, Le pape, les États de l’Église et l’Italie, 1897. — Vergnes, La condition internationale de la papauté, 1905. Rostoworoski, La situation internationale du Saint-Siège au point de vue juridique, Annales de l’école des sciences politiques, 1892, — v. Taube, La situation internationale actuelle du pape et l’idée d’un droit entre pouvoirs, Archiv für Rechts und Wirtschaftsphilisophie. — Delzons, La souveraineté du pape, Revue des Deux-Mondes, 15 juillet 1911. — Jenn, Ist der Papst Subjekt des Völkerrekts ?Laband, Der Einfluss des Krieges auf die Stellung des Papstes, Deutschen Juristen-Zeitiing, 1915, S. 648 ff. — Wehberg, Das Papstum und der Weltfriede, 1915 [avec une biographie très complète].