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d’une certaine « panorthodoxie parallèle au panslavisme, rêvé par certains russes.

262.5 LE KHALIFAT. — 1. Organisation. Le sultan de Stamboul (Padischah, commandeur des croyants) tire son caractère sacré de ses fonctions de calife. Il est considéré comme successeur de Mahomet, protecteur de l’Islam. La conception du sultan-calife n’est pas l’idée du XVIIe siècle français de la royauté de droit divin. C’est depuis treize siècles une situation spéciale à l’Islam qui donne à son chef suprême, avec un pouvoir temporel, un pouvoir spirituel immense, vénéré dans le monde musulman. Malgré l’absence d’organisation et de discipline, l’obéissance que les Turcs sont prêts à marquer au calife est difficile à concevoir pour des esprits européens. Un ordre du calife est plus impérieux que ne l’était un ordre du pape au moyen âge.

2. La guerre sainte. — À l’entrée en guerre de la Turquie, invoquant le caractère de persécution religieuse qu’avait toujours eu la politique destructive pratiquée par la Russie, la France et l’Angleterre contre le monde islamique, le Sultan, par le moyen d’un fetta, a exhorté tous les musulmans à faire la guerre sainte contre ces puissances et contre tous ceux qui viendraient a leur secours (discours du trône du sultan). Cependant la Perse, qui en sa qualité de pays Schiythe ne reconnaît pas l’autorité d’un calife Sunnite, a proclamé sa neutralité. Nombre de princes musulmans des Indes, dont le plus puissant est le Nizam d’Haïderabad, exercent toute leur influence en faveur de l’Angleterre ; l’Agakhan, chef de la ligne islamique de l’Inde, les ulémas et tes scheiks bédouins d’Égypte, le grand cadi de Chypre ont renouvelé leur assurance de fidélité à Georges V. Les musulmans russes sont restés fidèles : le gouvernement du tsar qui paie leurs imans, bâtit leurs mosquées, subventionne leurs médressés, se les est attachés par une politique d’assimiliation ; les musulmans de Russie n’ont bougé ni pendant la guerre de Crimée ni pendant la guerre russo-turque de 1877, Quant à la France, elle a reçu de Tunisie, d’Algérie, du Maroc, du Soudan, des marques de dévouement. La guerre sainte n’a donc pas réussi.

Le monde de l’Islam demande que le khalife puisse occuper une situation ou il soit assuré de toute indépendance politique. Lord Cromer et d’autres ont demandé à ce sujet que l’Angleterre fasse connaître qu’elle n’interviendra en rien dans la question du Khalifat, qu’elle le rendra indépendant. Mais le khalife doit être du sang du Koreish, la tribu du prophète. Or le Sultan ne l’est pas. Le Khalifat a été usurpé par Sélim en 1517. En outre il n’est pas non plus indépendant, étant sous la domination de l’ « Union et Progrès » et des Allemands et Abdul-Hamid ayant été déposé. Les sultans réclament leur droit de Khalifat parce qu’ils sont en possession du manteau du Pro-