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phète, qu’ils ont la garde des villes saintes, qu’ils sont les principaux chefs musulmans. L’Angleterre voudrait déplacer en Égypte le centre de l’Islam. Avec elle la France et l’Italie ont, à cause de leurs possessions, à ménager les intérêts de l’Islam et à faire en sorte qu’ils ne dépendent plus de la Turquie.

3. Protectorat des Chrétiens en Orient. — De 1251, date à laquelle Saint-Louis passait avec le sultan le premier traité qui ait réglé les rapports de la France avec l’Empire ottoman, plusieurs textes précisèrent le droit des chrétiens et des Européens dans l’Empire. Le premier en date, celui de 1535, est la fameuse lettre du sultan Suleïman qui établit l’exterritorialité en faveur des Français établis en Turquie et le droit de protection des rois de France sur tous les chrétiens. Cette lettre, qui n’est nullement un traité, mais une concession accordée par le sultan, fut remaniée en 1581, 1597, 1604 et 1740. L’acte de 1740 (lettres) est le plus complet. Il fut à son tour confirmé par le traité de commerce franco-turc de 1838. Il comporte des articles sur le protectorat religieux (1, 32) et sur les lieux saints (33 à 36, 82). La guerre est venue mettre en question ce protectorat au sujet duquel la laïcisation du gouvernement français, avant la guerre, avait déjà soulevé certaines discussions. En 1905 la France avait accordé aux ordres religieux orientaux la faculté de renoncer à sa protection en faveur du protectorat italien.

262.6. RELIGION ET NATIONALISME. — 1. On a longtemps identifié la religion avec la nationalité et les mouvements vers l’indépendance ont été souvent les précurseurs de ceux vers l’autonomie politique. L’histoire des Balkans est typique à cet égard : lutte engagée dés 1860 à Constantinople entre les chefs de la communauté bulgare et la patriarchie grecque ; lutte plus tard en Macédoine entre les évêchés bulgares et les diocèses serbes relevant de deux églises nationales différentes. Pendant cette guerre, maladroite introduction de l’orthodoxie russe parmi les Ruthènes uniates de Galicie ; démarche à Rome des Roumains de Transylvanie déclarant que leur annexion à la Roumanie serait la fin de l’église gréco-catholique ; intrigues aussi à Rome pour la constitution d’une grande Pologne catholique, la constitution de grands Pays-Ras catholiques, la restauration du Saint-Empire romain sous l’égide de l’Autriche.

2. La religion aura-t-elle tendance à devenir plus nationale par suite de la guerre ? Des Allemands ont déclaré : « L’heure a sonné de la mission mondiale du peuple allemand ! Y sommes-nous prêts ? Voulons-nous être le marteau que Dieu brandit ? Dieu veut, — telle est la croyance que nous partageons avec Luther, — se servir de nous pour accomplir ses desseins… Ce que nous entendons dire de nos soldats en campagne est le produit d’une vie intérieure ; par eux nous pouvons le dire hardiment. Dieu est à la tâche.;. Nous devons faite con-