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naître l’alliance que Dieu, dans la chrétienté, a conclue avec la vie spirituelle allemande[1]. » On a dit que les Allemands en arrivent à retourner à leur paganisme indigène, aux véritables « vieux dieux allemands », Thor et Wotan.

3. Les croyants sont ce qu’il y a de plus sacré pour un peuple et la force est impuissante contre elle. L’alliance d’une religion propre et d’une nationalité a accentué les oppositions entre peuples. Au contraire l’extension d’une même religion à des peuples différents a provoqué le sentiment d’une communauté universelle.

262.7. RELIGION ET UNIVERSALISME. — Les religions tendent-elles à l’unité ou à la diversité ? L’unité religieuse est-elle facteur d’internationalisation ? Voici quelques données pour répondre à ces questions :

1. L’hypothèse que toutes les religions procèdent d’une source commune, émise par Émile Burnouf, n’a pas trouvé confirmation. Elle supposait que les dogmes et les rites propres à la race aryenne, nés aux premiers jours de la civilisation hindoue, après des transformations plus ou moins nombreuses ont donné naissance, en Orient au bouddhisme, en Occident au christianisme. Les Indianistes n’ont pas confirmé une telle hypothèse.

2. Dans l’antiquité, chez les peuples barbares, en Orient, en Grèce, à Rome, chaque peuple, chaque tribu, chaque famille, chaque ville et chaque localité avait ses cultes particuliers et souvent ses sacerdoces héréditaires, qui se recrutaient dans des castes ou familles sacerdotales. C’est seulement vers la fin du monde antique qu’on vit se confondre peu à peu dans un vaste synchrétisme les cultes des divers dieux et des divers peuples.

« L’unité religieuse, dit le père Didon, était presque atteinte sous l’empire romain. Égyptiens et Syriens, Phéniciens et Carthaginois, Arméniens et Parthes, Grecs et Romains, Germains et Celtes, civilisés et sauvages, tous sans exception sont emportés comme par un torrent aux mêmes aberrations religieuses que la conscience chrétienne, quatre siècles plus tard, enveloppait dans la même flétrissure sous le mon de Paganisme. Malgré la diversité apparente des théogonies et des cosmogonies, des mythologies et des légendes, des symboles et des rites, des hiérarchies et des castes sacerdotales, les cultes païens, en effet, offrent à l’observation une même essence commune, qui justifie une commune appellation. Un même sentiment confus, irréfléchi, du divin, un même fonds de vérité à demi voilé, inné ou héréditaire[2]. »

De toutes les religions antiques une seule était résolument mono-

  1. Prof. Mahling, conseiller privé de consistoire dans la conférence à Berne, le 12 mars 1915 (Norddeutsche Allgemeine Zeitung, 13 mars 1915, n° 72, erste Ausgabe, p. 2).
  2. Père Didon, Jésus-Christ, p. 7.