Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/296

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veille de la guerre. D’autre part le Kaiser se considère comme le pape du Luthérianisme. Un temple luthérien aux vastes proportions a été construit a Rome même et l’empereur devait l’inaugurer quand ont éclaté les hostilités. C’est ce temple qui a suscité en novembre 1915 les protestations de Benoît XV[1].

5. Tout en reconnaissant que la divergence et même le choc des idées est un ferment de progrès, aussi bien sur le terrain religieux que dans les autres domaines de notre activité mentale, dit Goblet d’Aviella, on doit admettre qu’une certaine unité religieuse est hautement désirable devant la déperdition de forces qu’entraîne la concurrence des religions entre elles, sans parler des ruines, des haines, des injustices, des persécutions qui ont affligé le genre humain depuis le jour où les hommes ont lancé ce cri d’exclusivisme et d’intolérance, « Hors de notre église, pas de salut ! » Trois moyens permettent d’arriver à la formation d’une religion universelle : 1° l’extension illimitée d’une des religions existantes ; 2° leur disparition au profit d’une foi entièrement nouvelle ; 3° leur fusion en une synthèse qui emprunterait les meilleurs éléments de chacune en laissant tomber le reste, Un grand pas serait fait vers l’unification si toutes les sectes pouvaient admettre sans restriction les quatre principes suivants : a) que le service de l’humanité est un devoir envers la divinité, quelle que soit l’opinion qu’on se fasse de celle-ci ; b) que là réside le devoir religieux par excellence ; c) qu’il suffit de l’accomplir sincèrement pour assurer son salut dans toutes les églises et même en dehors d’elles ; d) que chacun reste libre d’y ajouter telle croyance et telles pratiques qui lui conviennent pourvu qu’elles n’en contredisent pas les obligations morales et sociales[2].

6. Si des efforts sont faits d’un côté pour restaurer ou instaurer une religion universelle, d’autres efforts doivent être faits pour amener la tolérance universelle, sans moquerie, contrainte, autoritarisme, subordination quelconque. En 1893 s’est réuni à Chicago le premier Congrès international des Religions, auquel prirent part des représentants de toutes les religions importantes du monde (World’s Parlement of Religion). Une deuxième tentative a été faite sans succès.

7. L’Internationalisme est conforme à la doctrine de l’Église. Plusieurs fois dans l’Évangile Jésus-Christ rappelle que sous le rapport religieux il n’y a pas de frontières. « Tous les hommes doivent adorer le Père en esprit et en vertu. » « Plusieurs viendront d’orient et d’occident s’asseoir avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux. » Pour saint Paul il n’y a plus ni Grec, ni Barbare, ni Juif, ni Gentil ». « Le monde, dit Tertullien, est une vaste république, patrie commune du genre humain. » L’Église a évangélisé toutes les nations.

  1. Rév. R, J. Cambell, Le christianisme de l’avenir.
  2. Goblet d’Aviella, « Cœnobium », 31 août 1915.