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préalable puisse être valablement faite[1]. » Après 1870 la littérature en France, sauf de rares exceptions, a trompé les espérances de ceux qui attendaient d’elle un sursum corda : elle s’est mise à remuer tout ce qu’il y a de fangeux dans les bas-fonds de l’humanité[2].

6. Pendant la guerre, d’une manière générale, le respect de la propriété littéraire n’a pas eu trop à souffrir. L’Union internationale n’a pas été détruite. Son organe, Le droit d’auteur, publié à Berne, le Börsenverein et le Cercle de la Librairie de Paris ont manifesté leurs sentiments en faveur du respect intégral de la Convention de Berne. Une trêve a été conclue tacitement en matière de propriété intellectuelle[3].

265.2. LES ARTS. — 1. L’amour de l’art est devenu l’un des grands mobiles de notre vie, un trait distinctif des peuples qui ont des aspirations supérieures. Déjà l’exaltation de l’art avait tenu dans les esprits de la Renaissance la même place que l’idée de la science tient dans l’époque moderne.

2. La peinture et le dessin, la sculpture et l’architecture, la musique ont ceci qui les différencie de la littérature : ils n’ont pas à employer l’intermédiaire d’un moyen d’expression aussi exclusivement national que la langue. Ils sont directement intelligibles pour les hommes de tous les pays, arrivés à quelque degré de civilisation ; ils constituent des langues universelles. Il s’en suit qu’ils ont une immense puissance de diffusion. Chaque pays les reçoit, les imite, les adapte, les combine avec ses propres créations. L’art a suivi à peu près la même évolution que l’économie et la politique, mais plus rapide. Les écoles nationales se sont formées de bonne heure, fusionnant tous les artistes de plusieurs régions. Bientôt aussi ont apparu les formes internationales, ou plus exactement les formes a-nationales, ou les formes mondiales basées sur un art national. L’architecture des Grecs, celle des Romains, est devenue classique pour tous les peuples. Le style des cathédrales du moyen âge, parti de l’Île de France et du Nord de la France, s’est répandu à travers toute l’Europe (devenu ensuite par erreur le « gothique »). Le style Louis XIV, les styles Louis XVI et Empire, d’origine française, ont été universellement répandus, imités de nos jours encore dans les salons des deux mondes. La musique italienne, influencée au début par la musique flamande, est devenue partout le prototype de la musique.

3. Ce caractère des œuvres a déterminé celui des institutions qui leur ont été vouées : les musées, formés des œuvres de toutes les écoles ; les conservatoires de musique et les opéras, dédiés à toutes les musiques ;

  1. 1 Camille Mauclair, Le front littéraire de demain.
  2. Henry Dartigue, L’influence de la guerre de 1870 dans la littérature française.
  3. Bulletin du Cercle de la Librairie, décembre 1915, janvier 1916.