Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/317

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les expositions d’art, faisant circuler les œuvres de capitale en capitale ; les écoles des beaux-arts, ouvertes aux sujets de toutes nationalités (par exemple les instituts que beaucoup de gouvernements entretiennent à Rome et à Athènes). Les artistes voyagent en tournée de pays en pays ; le commerce de leurs œuvres est international. Aux fouilles artistiques et archéologiques opérées dans les contrées à civilisation antique ont coopéré beaucoup d’États, souvent dans des organisations communes (fouilles d’Herculanum, fouilles en Grèce, en Asie Mineure, en Égypte). Des Congrès internationaux réunissent périodiquement les critiques, les historiens d’art, les amateurs, les artistes. Des conventions internationales (Convention de Berne) protègent juridiquement leurs œuvres. Des lois et des coutumes garantissent à chaque État son patrimoine artistique (le cas de la Joconde). Mais en même temps se développe le sentiment que ce patrimoine est aussi celui de toute l’humanité. En fait foi l’émotion causée dans le monde entier, et révélée par la presse, lorsqu’il est constaté quelque négligence ou indifférence d’un pays à l’égard des œuvres qu’il détient. Ajoutons que la vie nous paraît aujourd’hui inconcevable sans une culture artistique internationale[1].

4. À l’art se rattache la mode, elle est un facteur d’internationalisation. Autrefois les ornements extérieurs étaient des signes de distinction militaire, politique, financière. Aujourd’hui les différences disparaissent, la mode nivelle l’aspect extérieur des diverses classes d’un même groupe et des individus de diverses nationalités.

5. La destruction, pendant la guerre, des œuvres d’art, des monuments de l’architecture notamment, a soulevé dans le monde une vague de protestations (la bibliothèque de Louvain, la cathédrale de Reims, le beffroi d’Arras, les halles d’Ypres, les fresques de Tiépolo dans l’Église des capucins de Venise, etc.). Elle a accentué encore ce sentiment universel que les œuvres d’art constituent un patrimoine collectif. L’enlèvement des œuvres d’art des pays envahis a fait à son tour l’objet de vives discussions. Des altistes allemands, hélas, ont fait valoir le droit au butin d’art[2]. Au début de la guerre entre l’Italie et l’Autriche, le pape a fait écrire à l’empereur François-Joseph pour lui recommander de faire épargner les édifices du culte par les attaques d’aéroplanes. N’empêche que deux fois des bombes furent lancées sur la piazetta de Saint-Marc et la Riva degli Schiavoni, visant le palais des doges. La demande a été faite au corps diplomatique de Bruxelles, au début de la guerre, par l’Union des Associations inter-

  1. Les ouvrages illustrés, avec histoire, commentaire et critique, ont extraordinairement répandus la counaissance des œuvres (ex. : Le musée d’art). — Combarieu, La musique.
  2. Emile Schaefer, Kunst und Künstler, 1er October 1914. p. 35. Traduction dans « Cahiers documentaires belges », numéro 142.