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267.2 LA PRESSE ET LA GUERRE. — l. Unité mondiale des effets de la presse, censure et emploi de la presse aux fins nationales et gouvernementales, avec le corollaire des communiqués officiels, des bureaux de presse et de la propagande à l’étranger, tels sont surtout les caractères qu’a présentés la presse pendant la guerre[1]. Les événements ont mis en lumière l’unité d’action mondiale de la presse. Les journaux de tous les pays ont annoncé aux peuples les mêmes nouvelles ; toute importante révélation faite par l’un d’eux a été immédiatement reproduite par les autres. Des centaines de millions de lecteurs, depuis des mois apprennent an même moment les mêmes faits et ont l’esprit tendu vers les mêmes points. Les opinions émises et les accusations portées ont été discutées en grand par la presse des belligérants et par celle des neutres. Le journal a été vraiment pour les populations le hérault, la tribune et le forum.

2. Les propagandes ont été intenses et se sont servies de tous les moyens. Le plus moderne est l’emploi de la télégraphie sans fil. Les Allemands notamment se sont attachés à donner par la presse et par l’image, à l’aide du livre et du cinéma, au banquier comme à l’homme de la rue, l’impression que leur puissance serait nécessairement victorieuse. Au début de la guerre les Allemands semblaient faire peu de cas du jugement des neutres ; après le ravage de la Belgique, l’opinion de l’univers s’étant dressée contre eux, ils redoutèrent sa puissance et tâchèrent de se la concilier en achetant ou en fondant des journaux dans beaucoup de pays, en Espagne, Italie, Turquie, Amérique. En Bulgarie, ils ont distribué pendant la campagne plus de deux millions de proclamations célébrant les victoires allemandes et promettant au peuple bulgare la réalisation de toutes ses aspirations nationales si la guerre se terminait par leur victoire alliée. De curieuses révélations ont été faites par eux, malgré eux (publication par le New-York Herald de documents interceptés). « Pour arriver à notre but en Amérique, y était-il dit, il faut commencer par susciter dans la presse une agitation adaptée au caractère, aux vœux et à la manière de penser du public américain. Tout doit lui être communiqué sous forme de nouvelles, ainsi qu’il en a l’habitude et parce qu’il ne comprend que cette forme de propagande. Pour l’agence que nous avons en vue il sera absolument nécessaire de fonder un nouveau syndicat américain d’informations avec un capital allemand[2] ».

3. En août 1915, l’Association allemande de la presse, à Berlin, décidait ouvertement de créer une vaste organisation à l’étranger pour « contre-balancer l’influence partiale, désastreuse, des grandes agences étrangères par rapport aux intérêts allemands ». La réunion deman-

  1. Raoul Narsy, La presse et la guerre, « Pages actuelles », 1914-1915, nos 53,54. — Jèse, Le régime de la presse en Angleterre, pendant la guerre.
  2. Matin, 18 août 1915. - Voir aussi The war and the german propaganda, 1915.