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une cause occasionnelle des terribles événements de 1914. La vérité historique totale sur les causes de la guerre doit être cherchée dans les forces profondes, complexes, qui remuent les sociétés, forces à la fois politiques et économiques, matérielles et morales, ethniques et religieuses. Elles préparent de grands bouleversements par de longues étapes, où toutes elles agissent et réagissent dans un constant combat d’intérêts et d’ambitions. Or, les peuples étaient arrivés à un stade de développement où leur vie était déjà largement interdépendante et internationalisée. Leurs institutions cependant étaient demeurées nationales, impuissantes donc à maîtriser les antagonismes inévitables de cette vie nouvelle, contribuant au contraire à les engendrer et à les accroître. L’anarchie la plus complète caractérisait une telle situation.

Il en était résulté un état de malaise et d’inquiétude qui préparait les esprits à la guerre. Les crises répétées de ces dernières années (Algésiras, alors que l’Empereur avait demandé « la conférence ou la guerre », l’affaire de Casablanca, celle d’Agadir, l’annexion de la Bosnie et de Herzégovine, les guerres balkaniques) avaient accoutumé les esprits à la gravité de la situation. Pour beaucoup la guerre était jugée nécessaire : on en était arrivé au point où les formules, les palliatifs, les remèdes, étaient devenus sans effet. C’était une impasse. Ainsi autrefois les dernières années de l’ancien régime en France avaient épuisé la possibilité des petites réformes et la grande Révolution dut éclater. De même la guerre latente existait depuis trop longtemps, et opposition était faite à toute réforme internationale sérieuse. Désormais il était trop tard. Il n’y avait plus place que pour un grand souffle, renversant tout et contraignant la société à descendre un à un tous les degrés de l’abîme pour essayer de les remonter ensuite, rajeunie et consolidée.

12. RESPONSABILITÉS DE LA GUERRE



Il faut distinguer deux sortes de responsabilités. Les responsabilités indirectes et lointaines : elles sont imputables aux gouvernements de toutes les grandes puissances, à raison de ce qu’ils faisaient et aussi de ce qu’ils se refusaient à faire. — Les responsabilités immédiates, celles de la décision suprême : elles sont imputables au groupe austro-allemand qui a « monté le coup » de la Serbie et lancé les ultimatum.

121. Responsabilités indirectes et lointaines.


Aux gouvernements incombent de graves responsabilités. Ils ont toujours réclamé, exigé même de rester seuls, et sans partage avec le