Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suppose. Son action trouve donc un appui dans les consciences individuelles loin de n’y rencontrer que des résistances (Durkheim).

Les historiens professent que l’État est une résultante plutôt qu’une cause. Les événements où il joue le premier rôle, guerres, négociations diplomatiques, traités de toute sorte, sont en réalité ce qu’il y a de plus superficiel dans la vie sociale. Les vrais facteurs du développement historique ce sont les idées et les croyances, la vie économique, la technique, l’art, etc. Ainsi la place des peuples dans le monde dépend avant tout de leur degré de civilisation et non de la croissance et de la force de l’entité politique qui les gouverne et s’appelle l’État[1].

2. Évolution du pouvoir. Conception actuelle. — Comme la plupart des institutions juridiques sur lesquelles ont vécu jusqu’à présent les peuples civilisés de l’Europe, la puissance publique trouve son origine première dans le droit romain. Au début le peuple y est titulaire de l’imperium et peut le déléguer à un homme. Plus tard il la transmet au prince et l’empereur concentre sur sa tête les pouvoirs que la république avait partagés entre les divers magistrats. Dans la période finale de l’empire c’est un droit qui appartient en propre à l’empereur. Il est titulaire d’un droit de puissance (imperium et potestas) c’est-à-dire un droit d’imposer aux autres sa volonté parce qu’elle est sa volonté, parce que comme telle elle a une certaine qualité qui fait qu’elle s’impose à l’obéissance de tous. Dans les premiers temps de l’empire cependant, comme sous la république, l’idée subsiste que l’empire était la propriété indivisible et éternelle du peuple romain, que l’empereur devait l’administrer, mais qu’il ne pouvait pas y porter atteinte. Par là, la monarchie des Flaviens et des Antonins fut essentiellement différente des monarchies asiatiques et ressembla plus aux monarchies modernes de l’Europe qui sont toutes animées d’un si puissant souffle romain[2]. — Pendant la période féodale, la notion de l’impérium s’éclipse presque complètement. Le seigneur féodal n’est pas un prince qui commande en vertu de l’impérium : il est un contractant qui demande l’exécution des services promis en échange des services qu’il a promis lui-même. — Dans la période moderne reparaît l’impérium. Sous l’action des légistes elle devient la souveraineté royale, mélange de l’impérium moderne et de la seigneurie féodale. C’est au déclin de la féodalité que les juristes, appuyant le mouvement des peuples vers l’unité nationale, cherchèrent à attribuer à l’État un caractère qu’il fut le seul à posséder, qui, tout en le distinguant des autres collectivités publiques permît de préciser la nature de sa mission interne et externe. Jean Bodin, le premier (1576), a

  1. Ch. Beudant, Le Droit individuel et l’État. — Woodruf Wilson, l’État.
  2. Ferrero, Grandeur et décadence de Rome, VI, page 334 de la traduction française.