Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/390

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rompre. La politique est une rude besogne, dont il n’est pas possible de s’acquitter en gardant « des mains entièrement nettes. L’homme d’État n’a pas le droit de se chauffer confortablement les mains aux ruines fumantes de sa patrie, tout content de pouvoir se dire : Je n’ai jamais menti. C’est là une vertu de moine. La morale est faite pour les petites gens, qui ne font que de petites choses ».

10me Conséquence : La grandeur des nations est dans leur activité politique. La place des nations dans le monde ne dépend pas avant tout de leur degré de civilisation, mais de la manière dont l’État s’est acquitté de ses fonctions politiques. Les Romains qui ont eu le maximum d’influence n’ont été supérieurs ni en art, ni en littérature, ni en inventions. Ces choses-là peuvent créer la décadence des États, qui finissent pareil perdre leur puissance (la Hollande après sa lutte contre l’Espagne ; l’Allemagne au XVIIIe siècle).

11me Conséquence : L’absolutisme à l’intérieur. L’État est la source de tous les pouvoirs juridiques auxquels sont soumis tous les citoyens. Il est souverain en ce sens qu’il ne reconnaît aucun pouvoir du même genre qui lui soit supérieur et dont il dépende.

12me Conséquence : Négation du droit des nationalités. Goût des conquêtes. Les nationalités ne sont pas représentées par des États, donc elles n’ont pas de puissance et il ne faut pas les respecter. Puisque l’autorité peut être efficace, sans être librement consentie, il n’y a pas à craindre de violenter les peuples si par ces moyens on peut édifier de grands et puissants États. Dès lors, puisque les conquêtes et les annexions accroissent la puissance de l’État, il ne doit pas hésiter à les entreprendre[1]

13me Conséquence : L’hégémonie universelle. L’indépendance absolue à laquelle aspire l’État ne peut être assurée que par sa suprématie. Il ne peut en effet tolérer d’égaux en dehors de lui ; du moins il doit en réduire le nombre, car des égaux sont pour lui des rivaux qu’il est tenu de dépasser pour ne pas être dépassé par eux. L’hégémonie universelle est donc pour un État la limite idéale vers laquelle il doit tendre.

  1. E. Barker, Nietzsche und Treitschke : the worship of power in modern Germany, Oxford pamphlets, Oxford universy Press. London, Humphrey Milford. — Jellineck, Allgemeine Sfaatslehre, Berlin, 1900 ; — La nouvelle théorie allemande de l’État, dans Pourquoi nous sommes en guerre. — A. Kammerer, La fonction publique en Allemagne. — Pour Hegel, l’idée que tout ce qui est réel est rationnel le conduit à cette définition : « L’Histoire est le développement de l’esprit universel dans le temps. L’État représente l’idée, il est la substance dont les citoyens ne sont que l’accident. C’est lui qui confère les droits aux individus, non pour eux mais pour arriver plus sûrement a la réalisation de son idée, Les luttes entre les peuples sont autant d’acheminement à la réalisation de l’idée. La force paraît triompher et elle triomphe en effet, mais elle n’est pas le symbole, le signe visible du droit. » Cette conception de l’histoire aboutit à la négation de la liberté individuelle, à la glorification du fait accompli, à la divinisation du succès.