Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/484

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des traités de Bâle ; elle est plutôt brutale. Sous Napoléon elle garde ce caractère, tout en prenant parfois des allures astucieuses. La diplomatie traditionnelle renaît en 1815 avec les Talleyrand et les Metternich notamment au Congrès de Vienne ; de nos jours, elle a perdu son caractère un peu mystérieux et ses allures classiques. Par suite de la facilité des communications, la responsabilité des agents diplomatiques est devenue beaucoup moins considérable : les ordres télégraphiques du ministre ont remplacé les anciennes Instructions. Les préliminaires diplomatiques de la présente guerre, par exemple, se sont passés en partie à coups de téléphone, ne donnant même pas aux agents le temps de réflexion que donne l’obligation de coucher sa pensée en un texte de note, voire en un télégramme.

2. L’action diplomatique a conduit à une procédure spéciale. Il y a d’abord la note verbale, dont on se borne à laisser copie : elle fixe un point de discussion. Vient ensuite le mémorandum, mémoire motivé analogue à une consultation de jurisconsulte. Le mémorandum est dit manifeste lorsqu’il contient une proclamation solennelle de principes. L’instance engagée, les parties déposent et communiquent leurs conclusions et, si l’on ne parvient pas à s’entendre, les gouvernements signifient un ultimatum, dernier mot à défaut d’acceptation duquel la guerre est déclarée. Les propositions peuvent être acceptées, mais ad referendum, quand l’agent, muni d’instructions insuffisantes, croit, pour dégager sa responsabilité, devoir consulter son gouvernement. Pour les affaires graves et d’intérêt général ou procède ordinairement par voie de Conférences ou de Congrès ; il est tenu procès-verbal des séances, et des protocoles résument impartialement les opinions émises, sans préjuger les solutions.

3. Il règne dans la diplomatie mondiale un esprit de cynisme, une absence de préoccupations morales qui heurtent et révoltent l’honnêteté populaire. Les déclarations diplomatiques sont généralement faites à grand effort de sous-entendus, de malentendus et d’équivoques de chancelleries. Cet esprit ne date ni d’aujourd’hui ni d’hier. À travers l’histoire on relève des formules célèbres, derrière lesquelles peuvent s’abriter les plus louches et les plus perfides tractations. Louis XIV disait à la Hollande : « Nous ferons la paix chez vous, sur vous et sans vous. » Frédéric II aimait à dire : « Un souverain n’est tenu à être honnête que lorsqu’il le peut sans se nuire. Dès que son intérêt l’oblige, la fourberie devient son devoir. » Il ajoutait : « Je prends d’abord : je sais bien qu’il se trouvera toujours des pédants pour démontrer que j’étais dans mon droit. » Talleyrand affirmait que la parole a été donnée à l’homme pour dissimuler sa pensée. Les mots « diplomatiques » de Bismarck ne se comptent pas. Il avait coutume de déclarer : « Là où la puissance de la Prusse est en jeu, je ne connais plus de loi. » Ou encore : « On ne peut pas en vouloir à un