Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/491

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



361. Paix armée et Désarmement.


1. Avant la guerre, l’Europe était sous le régime de Paix armée que l’on a pu définir : « la paix, avec les charges de la guerre et sans la sécurité ». Le total des dépenses militaires était d’environ 12 milliards par an, charge de 25 francs par habitant pour les grandes puissances. Ce régime que les hommes d’État, imbus des idées anciennes, croyaient suffisant, à l’exclusion de toutes institutions internationales régulières, a eu comme résultat une banqueroute retentissante. Les armements n’ont pas su éviter la guerre et ils l’ont rendue épouvantable. S’ils devaient perdurer après la guerre voici quelle deviendrait la situation. Les États doubleraient ou tripleraient leurs dépenses, les élevant à 20 ou 25 milliards. La présente guerre, après trois années prévues par certains, aura coûté 300 milliards, soit une rente de 15 milliards. Une prochaine guerre, rendue inévitable par la continuation d’une même faute, coûtera ou moins autant. C’est donc vers une charge annuelle totale d’une cinquantaine de milliards (l’intérêt d’un capital de mille milliards) que nous achemine la politique insensée de la « vis sans fin » des armements. À ce fardeau financier viendrait s’ajouter l’altération de toutes nos institutions économiques, intellectuelles et politiques, qui seraient dominées dans tous les pays cette fois, par le pire esprit militariste[1].

2. Dès lors, faut-il désarmer ? La proposition en a été faite souvent : en 1831, en 1863, à la première Conférence de La Haye en 1899. Des moyens divers ont été proposés pour en atteindre au moins une réduction et une limitation[2].

3. À la vérité, la question de la limitation des armements soulève des difficultés considérables. La question des effectifs ne peut être envisagée toute seule en elle-même, car elle est subordonnée à d’autres questions, comme le degré d’instruction publique, la durée du service actif, les obligations militaires des anciens soldats, l’emplacement des corps de troupes, le réseau des chemins de fer, le nombre et la situation des places fortes. Il faut envisager non seulement les troupes entretenues dans la métropole, mais aussi les armées coloniales qui peuvent participer à une guerre continentale. Il faut enfin que la question soit envisagée à la fois au point de vue de la guerre continentale et de sa guerre maritime. À toutes ces difficultés pourrait répondre un Règlement sur le désarmement dont les articles seraient établis après études et conformément à des données techniques. Aujourd’hui toute convention militaire entre alliés donne lieu à des calculs

  1. Bourdin, Le militarisme allemand. — F. Lynch, Militarism, The eternal foe of Democracy, — Laurent, Noran et Merceras, La Paix armée.
  2. Rapport de Hans Wehberg pour l’Union interparlementaire : exposé systématique des propositions, accompagné de la reproduction des documents.