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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

Ainsi un ouvrage sur la Philosophie (matière), en Angleterre (lieu), au XVIIe siècle (temps), qui serait un traité (forme), composé en français (langue).

La classification bibliographique fournit le moyen de classer les collections et leur catalogue en tenant compte de ces classes fondamentales.

Elle permet aussi de classer les répertoires bibliographiques, les dossiers, les fichiers de notes.

Une classification des œuvres peut aussi se faire à d’autres points de vue.[1]

a) Les livres et documents sont :

1° ceux d’ordre scientifique, objectif, utilitaire ;

2° ceux d’ordre littéraire, imaginatif, récréatif.

Ils se développent dans des conditions différentes, réalisant des types généraux dont il a été possible de déduire des principes, des normes et des règles différentes. Laissant largement de côté ici les œuvres littéraires, dont les traités de littérature ont fait leur matière, nous nous attacherons surtout aux œuvres scientifiques.

L’œuvre scientifique n’a pas pour but de plaire, ni de donner des recettes pratiques pour se conduire, ni d’émouvoir, mais simplement de savoir.

b) Au point de vue des bibliothèques publiques, on distingue les divisions suivantes :

Ouvrages de lecture courante et ouvrages d’études.

Ouvrages de références, d’informations, de renseignements, qu’on consulte, qu’on ne lit pas dans leur ensemble (dictionnaires, encyclopédies, atlas).

Ouvrages d’étude de tout genre.

c) À d’autres points de vue encore, les œuvres peuvent être distinguées de diverses manières, selon qu’elles sont : spécialisées ou constituant des ouvrages d’ensemble ; de petite ou de grande étendue ; d’un ou de plusieurs auteurs ; périodiques ou non ; simples dans leur contenu ou formées de diverses œuvres rassemblées ; livres pour être lus, ou consultés ou étudiés.

240.3 Histoire. Évolution. Génétique.

Les espèces d’ouvrages, à la manière de la plupart des œuvres humaines, ont été formés au cours du temps, tantôt par l’action collective, les ouvrages se transformant lentement et fragmentairement sous l’influence les uns des autres ; tantôt par l’action individuelle, un auteur créant une œuvre qui devient un type. À l’origine tout est complexe, vague, confus ; ensuite tout tend à se diversifier, s’individualiser, se préciser. Cette double action est déterminée tantôt par des besoins pratiques, tantôt par des considérations théoriques où intervient la Logique, l’Esthétique, les fins morales. L’évolution se poursuit sous nos yeux.

L’Humanité a débuté par la Poésie. La Prose est venue plus tord, (Quintilien : Rhétorique.) Le Journal est du XVIIe siècle : Abraham Verhoeven et Renaudot. La Revue naît au XIXe siècle, surtout sous le nom de mercure, correspondance, annales, magazine. Puis l’on voit naître les publications industrielles (Amérique, Angleterre). Aujourd’hui les publications d’art.

Au livre on a substitué la revue, puis les annuaires, puis la documentation sur fiches, puis la coordination internationale de l’information scientifique.

Tous les jours on voit naître des ouvrages d’un type nouveau, qui n’était pas ou guère représenté dans l’ancienne littérature. Un livre est capable de créer une science nouvelle ou tout au moins une branche d’une science, un des aspects de l’exposé d’une science.

On peut arriver aussi à de nouvelles formes du livre par deux voies : 1° ou bien l’on se demande quels buts devraient être atteints par le livre, à quoi il devrait servir (usage autre que celui qu’il a déjà) ; 2° ou bien, après avoir analysé la structure du livre actuel, on envisage d’autres distributions de ses éléments nouveaux, des développements et nouvelles liaisons de ses parties.

240.4 Corrélation entre les espèces.

1. On peut concevoir deux cas : ou bien forme et fond sont à ce point rattachés l’un à l’autre que le fond (les données) est tenu comme ne pouvant être exprimé qu’en une forme documentaire déterminée ; ou bien les formes sont à ce point indépendantes du fond, qu’elles sont susceptibles d’« informer » toute donnée d’un fond quelconque. En fait c’est ceci qui a tendance à se produire. Une forme nouvelle au début s’applique à un certain fond mais bientôt on lui trouve d’autres applications et finalement on parvient à la dégager in se et à généraliser son emploi à la matière universelle. Par ex. le périodique a commencé par les nouvelles politiques, la photographie par le portrait, le cinéma par les scènes d’acrobatie.

2. Les formes des publications et des documents sont apparues au cours des âges. Elles ont pu se développer par scissiparité, sans guère de liaison les unes avec les autres. Les liaisons aujourd’hui doivent être opérées et c’est d’un système complet de publication que chaque science doit pouvoir disposer (Voir plus loin le système proposé.)

3. Voici quelques exemples de rapports entre les diverses formes :

a) Le traité peut se décharger largement des détails sur les dictionnaires encyclopédiques et réaliser ainsi à un haut degré l’œuvre synthétique.

  1. L’œuvre (en lat. opera, mot dérivé de opus, operis) est le résultat permanent du travail ou de l’action, en particulier une production de l’esprit, en très particulier un écrit, un livre. Bien que « ouvrage » se rapporte à la chose faite et œuvre à l’action, le mot œuvres au pluriel, s’applique pourtant aux écrits d’un auteur, mais toujours avec un sens général : œuvres complètes, œuvres posthumes. Quand on veut parler spécialement de l’une d’elles, l’idée devenant plus précise, plus matérielle, s’exprime par le mot ouvrage.