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DOCUMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

grandes agences : Reuter, Wolf, Stefani et Havas, qui plus ou moins trustées se communiquent leurs télégrammes et qui tiennent ainsi comme dans un filet l’opinion de l’univers. Les agences, telle Havas, ont dans chaque capitale un correspondant qui lui envoie les nouvelles télégraphiques dans ses bureaux de Paris. Là elles sont imprimées et adressées par cyclistes aux journaux abonnés qui les reproduisent.

b) Avec le télégraphe et le téléphone les journaux locaux ont 6 ou 8 heures, parfois 12 heures d’avance sur les journaux de la capitale. Il y a donc une recrudescence de vie pour ces journaux. Les agences télégraphiques envoyant à tous les journaux les mêmes nouvelles ont tué le journal international, tel que L’Indépendance Belge. Les représentants de la presse allemande (réunion du 22 août 1915) ont compris ce danger et demandent l’organisation d’un service de renseignements dans le « sens national vu qu’il est plus important encore d’envoyer des informations de l’Allemagne à l’étranger, que de recevoir de lui des nouvelles souvent stupides et que les faits contredisent. »

Il faut assurer à l’Allemagne l’indépendance absolue et la liberté de ses informations.

c) Le journal s’est distingué de la revue et maintenant les informations se distinguent des journaux (bureaux et agences de presse, les communiqués, les dépêches). À l’Exposition Pressa le mot « Nachrichtenwesen » avait pris place à côté de celui de Zeitungswesen. (Runkel. — Œffentlicher Nachrichtendienste, 1928.)

d) Pendant la guerre, on a voulu supprimer les agences. Elles sont revenues plus puissantes. Havas et Reuter avec les 18 agences nationales se sont entendues. Elles ont divisé le monde au point de vue des nouvelles. Rien ne passe qui ne soit contrôlé nationalement ou par les pays qui ont le monopole chez d’autres.

e) Les informations se vendent aux journaux. Elles se vendent aussi aux grands particuliers. Les agences qui achètent un article 50 francs, en font faire 10 exemplaires à la machine et le revendent 10 francs en province, gagnant ainsi 50 francs sur l’article.

f) Il y a des agences de petites nouvelles. Ainsi « Informations quotidiennes de la presse associée ». Directeur-fondateur Jean Bernard. Envoi de 5 à 10 feuilles d’informations inédites qu’on ne trouve nulle part ailleurs, abonnement pour les quotidiens, les hebdomadaires, etc.

5. Trusts. Concentration.

a) Ou temps de Girardin, avec 300,000 francs on créait un organe sérieux. Aujourd’hui il faut 5 millions pour lancer et soutenir un journal dans le goût du jour.

b) Partout il y a tendance à la concentration. La concentration des journaux a été considérable. En Allemagne, Stinnes, le grand industriel a possédé à lui seul 60 grands journaux. De grands trusts de journaux fonctionnent en Allemagne : groupe Ulstein-Konzern, Moses. L’ensemble des publications d’Ulstein (comprenant la Vossische Zeitung et la Berliner Zeitung am Mittag) accuse le tirage formidable de 4,210,920 exemplaires. L’entreprise possède 66 rotatives, 114 autos, deux canots automobiles et trois avions. Elle consomme 8 millions de tonnes de papier par an.

c) Le trust de journaux de Lord Northcliffe, ce féodal du journalisme, multimillionnaire, nommé lord et chargé d’une haute mission diplomatique aux États-Unis.

d) Le fameux trust organisé par Hearst aux États-Unis fut assez puissant pour retarder quelque peu l’entrée en guerre des États-Unis. L’imprimerie des journaux ou trust Hearst tire chaque jour cinq millions d’exemplaires et l’on sait quelle quantité de pages ont les journaux américains.

Un autre trust comprenant 521 journaux vient de se fonder à New-York. Ce trust possède de nombreuses lignes télégraphiques dont l’ensemble donne une longueur supérieure à 10,000 kilomètres.

e) Certaines imprimeries recueillent les journaux qui cessent de vivre. Elles continuent de les faire paraître, les imprimant tous avec la même matière. On ne change que le titre. Ainsi n’importe qui a la facilité de faire imprimer un journal dont il sera propriétaire. 200 exemplaires lui coûteront 10 francs.

L’homme qui résoudrait le problème d’acheter dans tous les pays la majorité des journaux et des agences télégraphiques serait automatiquement le maître du monde. Mais tous les organes de presse ne sont pas à vendre et de nouveaux journaux peuvent se créer. Cependant on aurait sur tous les journaux une certaine domination si on les tenait par le papier. L’on peut acquérir l’autorité sur les papeteries si l’on achète dans les lieux d’origine de vastes forêts d’où se tire la pâte de bois. Hugo Stinnes avait commencé par opérer ainsi, il était devenu maître de la production du papier en Allemagne, Finlande et Scandinavie.[1]

6. La presse et les Nouvelles (vraies ou fausses).

a) En réalité c’est par les dépêches de tous les pays, envoyées par les agences, que chacun est tenu au courant de ce qui se passe. Tous les matins ou tous les soirs, parfois aux deux moments et encore à midi, les dépêches rendent compte de ce qui se passe dans l’immense arène du monde où les faits se déroulent par suite de luttes ou de coopération de travail régulier ou d’innovation générale.

L’homme-journal — celui d’Helgoland, mort en 1907 — se rendait de ferme en ferme chaque jour et racontait à haute voix les dernières nouvelles du monde entier. En arrivant à chaque ferme il rassemblait les habitants en sonnant une petite cloche. Il ne se faisait pas payer, mais

  1. L’Allemagne nouvelle de Victor Cambon.