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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

laisser un champ propre, ce que la photographie ne peut pas rendre, à savoir : 1° condenser en un même tableau toutes les idées que comporte un ensemble de divisions de la classification et dont le sujet ne se trouve pas ainsi condensé dans la nature des choses. En cherchant à réunir sur une même image toute une série d’idées, le dessin doit s’appliquer à donner à l’idée exprimée toute sa valeur instructive. Ex. : la photographie nous montre un arbre avec son développement dans l’air, tandis que le dessinateur peut nous le faire voir en plus avec ses ramifications dans le sol. 2° Rendre l’expression des sentiments, matière que l’appareil photographique n’a pas facilement l’occasion de saisir dans toutes ses nuances. Le plus souvent les peintures auront pour mission de distinguer pour le fixer au milieu d’un ensemble d’action, le trait le plus caractéristique, à la fois plus abondant en idées, le plus suggestif et le plus assimilable. 3° Réaliser des créations imaginaires. (David.)

La photographie d’objets matériels et des sciences est souvent froide et schématique, tandis que le dessin peut être chaud et détaillé, rend souvent ce que l’objectif n’aurait pu saisir. Un artiste sent, redit et fait rendre à travers le dessin et la peinture l’essence intime de la vie qu’il veut exprimer.

b) La photographie est le moyen de représentation le plus réaliste, celui dont l’objectivité mécanique atteint la plus précieuse approximation lorsqu’il s’agit d’obtenir de la nature une image à deux dimensions. Elle remplace, le relief par une perspective et fournit à la lumière et à l’ombre des équivalents. L’œil humain est soumis à l’imperfection en même temps qu’à la sensibilité de tout organisme. D’où pour lui d’innombrables variantes dans l’analyse de la lumière et des formes qu’elle revêt, autant que dans l’interprétation de leurs rapports. L’instrument au contraire en fixant un instant de l’état lumineux d’un objet ne subit aucune de ces infériorités, aucune de ces émotions. Avec régularité, il obéit impartialement aux seuls principes arithmétique et physique de son invention et de sa fabrication.

Il y a la photographie scientifique, exécutée avec le maximum d’impersonnalité et dépendant du raisonnement et de la logique ; il y a la photographie dite d’art guidée par un choix, sentiment ou émotif. « La machine en général a permis de pénétrer dans un monde nouveau ; le passage de l’inconnu à la conscience opéré par lui est accompagné d’une étrange sensation d’irréalité. » L’œil inhumain d’un objectif peut voir et fixer des aspects inconnus, parce qu’ils n’existent que pendant la fraction de seconde que dure l’acte de la photographie, que l’œil humain ne saurait voir ou concevoir que dans une certaine mesure, sous un certain angle et d’une certaine façon.

c) La photographie élargit le domaine de la documentation non seulement par ce qu’elle reproduit des documents, mais parce qu’elle en produit, tantôt par des meilleurs procédés, tantôt en atteignant des domaines inaccessibles autrement : photographie aérienne ou sous-marine, agrandissements, aspects nouveaux.

5. Technique de l’image photographique.

a) Verre ou celluloïd, il s’agit d’un support sur lequel est posée la matière sensible : l’émulsion. Film ou plaque la sensibilité aux couleurs est capitale. C’est la traduction des couleurs dans leurs proportions optiques, c’est-à-dire exactes. On désigne cette propriété par le mot « orthochromatique ».

b) On peut comparer une image photographique à une image visuelle qui s’est gravée sur la rétine de l’œil d’une personne et qui, par la réalisation d’une merveille scientifique, peut de nouveau impressionner d’une façon identique d’autres individus éloignés d’une distance quelconque de l’objet primitivement vu ou après un temps illimité. L’image photographique est absolument complète, elle reproduit les plus petits détails des objets, elle retrace tout ce que la vue est à même de saisir. Dans le dessin graphique, au contraire, quels que soient la patience et le talent du dessinateur, il y aura toujours des détails oubliés ou indiqués d’une façon incomplète. La rétine de l’objectif est bien autrement puissante que celle de l’œil humain. Dans un grand nombre de cas, la photographie constitue un véritable moyen mécanique de vision beaucoup plus parfait que celui possédé par l’homme dans ses organes visuels : les yeux. Elle permet l’inscription des phénomènes d’une durée extrêmement courte ou extrêmement éloignée ou petits (photographie microscopique ou macroscopique). Une collection d’images photographiques représente au plus au point l’emmagasinement des images dans le cerveau, emmagasinement qui, on le sait, constitue la mémoire et donne des matériaux à toutes les fonctions intellectuelles. Un casier de photographies nous représente le schéma d’un lobe du cerveau. L’objectif est seul capable de voir et de dessiner juste, sans interprétation et sans erreur. Et c’est en cela que la photographie a opéré une révolution dans le monde en créant le seul procédé capable de faire une copie véritable. Tout document exact doit donc, si c’est une copie, provenir d’une photographie.

c) On a procédé à des retouches, des suppressions, des collages, du photomontage. Toutes les altérations de la photographie primitive sont à connaître du point de vue de la photographie documentaire ; elles sont des moyens d’art et de poésie du point de vue de la photographie artistique.

6. Établissement des documents photographiques. a) Les photographies documentaires doivent répondre à certaines conditions. On a commencé à les déterminer dans les divers domaines des sciences. Par ex. : pour la photographie astronomique, pour la photographie archéologique (Précis d’Archéologie du moyen âge, de