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DOCUMENTS GRAPHIQUES

Brutails, ch. VI), pour l’architecture (J. Jamin : Congrès international de Photographie, 1910). Il est désirable de voir rattacher ces recommandations particulières à des règles générales. (Voir Code no 64.) La photographie scientifique exige des points de repère pour le calcul. De là tout un développement, la Photométrie ou Photogrammétrie.

b) Il demeure essentiel à la photographie d’obtenir des images exactes. La méthode décrite par Μ. E. Estanave (Académie des Sciences, Paris, 16 juin 1930) lui a permis d’obtenir l’image aérienne du sujet, visible à toute distance et présentant en vision binoculaire tous les caractères de la photographie intégrale, image unique, en grandeur naturelle avec non relief et la même variation de champ qu’on observerait si l’on se déplaçait devant le sujet lui-même.

c) Les Congrès ont réglementé déjà largement les formats des plaques, des appareils, des épreuves stéréoscopiques, des fiches, etc. La standardisation apporte d’heureux résultats. Il y a lieu de l’étendre aussi aux publications et collections et d’intégrer les formats de la photographie à la série des formats de la Documentation générale. De grand format (tableau), moyen format (feuille), petit format (fiche), format film (microgramme) ou formats métriques intermédiaires.

d) Mais la copie photographique va révolutionner toute la documentation. En dehors des manuscrits, elle va permettre de réduire les prêts, les envois à l’étranger, les voyages mêmes aux grands centres dont les périodiques ne doivent pas sortir, ne sont moyen efficace que dans des cas d’exception. On voit les bibliothèques se doubler d’un service photographique qui va transformer les grands dépôts et les collections spéciales non plus en salles de travail, mais en centres d’émission, d’où les documents rayonneront (Morel). Deux voies sont ouvertes : la copie photographique à grandeur réelle. La copie à réduction (le livre microphotographique, le microfilm).

Un appareil nouveau, construit comme un appareil d’agrandissement du microphote, permet d’obtenir la photocopie des manuscrits, au recto et au verso, d’où économie de papier et de place.

c) Les photocopies peuvent être de véritables extraits. Elles sont en tout point l’équivalent de copies à la main qui auront été faites dans un livre ou dans une encyclopédie (texte ou image). Mais ce sont des extraits disposés dans l’ordre désiré, si bien qu’en réalité on peut se trouver en présence d’un exposé nouveau, d’un véritable livre nouveau, qui n’a jamais été écrit antérieurement, mais dont la pensée qui choisit les documents a pu concevoir le plan, les idées directives, certains détails, sans qu’elle ait été obligée de procéder elle-même aux développements.

La photographie a forcé les peintres, attaqués sur ce terrain de la vérité extérieure, à se tourner davantage vers l’expression de la vérité intérieure, psychologique. Le cinéma de même agit sur l’art dramatique. Quant au journal, il est consacré aux nouvelles et à l’information rapide. Mais il vit au jour le jour et il n’est point de surface. L’écrivain lui va se tourner de plus en plus vers l’âme en abandonnant les domaines des histoires et des faits anecdotiques où le journalisme excelle. Ainsi se vérifiera la pensée de Théophile Gautier, que le livre seul a de l’importance et de la durée.

La photographie a été longtemps dominée par la conception de la peinture. C’est récemment qu’elle est devenue franchement réaliste : elle reproduit la chose directement, crûment — et nous émerveille ; ainsi, pores béants et rides nettes d’un visage ; tissu aux ciselures précieuses d’un vulgaire bout de bois, détails de structure de texture ou de facture de n’importe quel objet photographié. Nouvelle conception de l’espace ; un pouvoir de connaissance directe du monde qui nous entoure, et de notre vie même.[1]

7. Applications diverses de la photographie.

La photographie a donné lieu à d’innombrables applications. D’autre part, elle n’a pas été seulement un substitut automatique du dessin, elle a donné lieu à des formes de documents impossibles sans elle ; ainsi :

a) La photographie composite (Galtonienne). Elle ne retient que les traits capitaux de visages divers et donne un type symbolique.

b) La Gastrophotographie est la photographie appliquée au contrôle visuel de l’estomac, venu en aide au diagnostic médical (appareil de F. Bac, Porges et Heilpern).[2]

c) Pour le chronométrage des temps de travail, on a placé de petites lampes électriques à des points convenablement choisis du corps de l’homme (main, tête), on a photographié ensuite les mouvements. Les trames lumineuses figurent les trajectoires des lampes électriques.

d) La métrographie est la technique nouvelle qui emploie l’objectif pour mesurer les images. M. Andieu dans son ouvrage « Les révélations du dessin et de la photographie à la guerre », décrit la manière d’utiliser la représentation du paysage sous quelque forme qu’elle soit, au moyen de mesures métriques. Après enquêtes auprès de toutes les catégories de gens, médecine, artistes, topographes militaires, il a dégagé une façon normale de regarder les objets, c’est-à-dire l’angle optique sous lequel l’œil voit. Il est arrivé ainsi à une sorte de distance humaine, réflexe ou acquise, dont il a fait la clef d’un système. Par là il rend simple et commode l’exploitation de la perspective et de son inverse, en faisant abstraction des règles géométriques.

e) La photographie métrique, appelée aussi photogrammétrie, donne une image absolument conforme aux mesures métriques. Elle permet d’arrêter les proportions de

  1. L. Moholy Nagy : Une vision nouvelle.
  2. Revue Scientifique 1932, p. 150.