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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

quées constituent le travail artistique proprement dit, l’élaboration de l’idée. (E. Closson.)[1]

f) La musique présente diverses caractéristiques qui ne se présentent pas pour les autres formes d’expression, bien qu’elles puissent s’en inspirer.

1° Les caractères synthétiques et concentrés de certaines œuvres. Bach, Beethoven, Mozart, Wagner, sont les quatre plus grands génies de la musique, qui résument ou contiennent en germe tous les autres. Avec eux, on pourrait reconstruire toute l’histoire de cet art.

2° La plus-value donnée à une œuvre par suite d’un progrès réalisé hors d’elle. Ainsi les instruments modernes et l’ampleur donnée aux orchestres apportent une grandeur et une noblesse nouvelle à la musique ancienne. Par ex., si Mozart pouvait écouter l’exécution actuelle de ses œuvres, que dirait-il ? On se demande comment les virtuoses du temps devaient les jouer sur les primitifs instruments dont des spécimens sont à voir dans nos musées.

3° La musique se distingue essentiellement des autres arts en ce qu’elle est un art d’interprétation. Le sculpteur, le peintre, sont à la fois les inventeurs et les producteurs de leurs œuvres. Une fois réalisée, celle-ci demeure fixée immuablement dans la forme même où l’auteur l’a conçue. L’œuvre musicale n’existe pas par elle-même ; elle doit être créée et recréée chaque fois qu’on veut la réentendre. Le compositeur note simplement sur le papier quels sons doivent être produits et pendant quelle durée, pour donner à sa création cette vie éphémère. Et cette notation est toute conventionnelle. Que l’on vienne à en perdre la clef, qu’un détail devienne douteux et le plus beau chef-d’œuvre se trouve réduit à un cryptogramme irritant. Cette notation doit être interprétée. D’où l’importance extrême que l’artiste reproducteur, chanteur, instrumentiste, chef d’orchestre joue dans la vie musicale.

242.52 Histoire.

La musique a une longue histoire. Elle remonte aux origines de l’Humanité.[2]

La poésie a été chantée avant que les paroles se sont dissociées de la musique à la manière dont, en peinture, les compositions, de murales qu’elles étaient et faisant corps avec l’architecture, sont devenues des œuvres indépendantes, des tableaux de chevalet.

Aux origines premières, on ne séparait pas la poésie du chant, et le nom de chant est encore celui de certaines poésies que l’on chante ou qui peuvent être chantées ; c’est aussi le nom des divisions de certains poèmes, comme l’Iliade et l’Odyssée. Dans l’ancienne poésie française, on donnait le nom de chant à plusieurs espèces de pièces de vers, les unes assujetties à certaines règles et les autres libres. En particulier le chant dit Royal, qui fut longtemps en vogue, était une sorte de ballade composée de cinq strophes de 11 vers. Elle commençait par l’un de ces mots : Sire, Roi, Prince. De là son nom.

À partir du XIXe siècle, l’histoire de la musique remplace la classification par genre au moyen d’études sur les diverses écoles nationales. Cette répartition n’est pas idéale, mais il en sera ainsi jusqu’à ce que le temps nous ait donné le recul nécessaire pour déterminer les grands courants qui régissent l’imbroglio compliqué de l’art d’aujourd’hui. (E. Closson.)

Au moyen âge la musique était un des sept arts libéraux dans les Écoles et les Universités.

Le dernier tiers du ΧΙΧe siècle et le début du XXe ont apporté de grands changements dans les goûts artistiques du public français. Tandis que jusque là, la musique véritable semblait réservée à des groupes d’initiés, on a vu cet art prendre une importance de plus en plus considérable et devenir en France, comme en Italie, en Allemagne, partie intégrante de la vie de la nation.

(G. E. Bertin.)

Dans la musique contemporaine, il y a prédominance de la vision des choses tangibles exprimées par un descriptivisme qui part de la sensation, arrive à la synthèse des choses mêmes. La musique moderne ne dépasse pas l’image dans son élévation la plus haute ; grande prépondérance donnée par elle à la couleur phonétique ou harmonique. (A. Tirabassi.)

242.53 Questions fondamentales.

a) Parallèle entre la musique et le livre.

La musique a réalisé au cours des âges une matière d’une complexité extrême et a su mettre en œuvre à cet effet des moyens d’expression de plus en plus savants et plus nombreux. Elle peut à cet égard fournir au livre et à la documentation des exemples et une inspiration, car un parallèle entre le livre et la musique met en évidence les points suivants (voir ce qui a été dit sous le n° 222.2) :

1° La notation.

2° L’instrumentation.

3° L’orchestre et ses exécutions considérables (ex. : la Messe des Morts de Berlioz exige de 150 à 200 exécutants).

  1. La Musique et la Vie intérieure, par L. Bourguès et A. Déneréaz. C’est une histoire des phénomènes psychologiques d’ordre musical, une étude de métamorphoses successives du son à travers les années et les siècles, double histoire : des émotions humaines révélées par la musique et des sonorités révélatives de ces émotions.

    Rierman. L’Esthétique musicale — Lavignac A. et de la Laurencie L. — Encyclopédie de la Musique et Dictionnaire du Conservatoire. — E. Closson, Esthétique musicale. 1921.

  2. Voir le Grand Tableau synoptique de l’évolution dr la musique, publié par Déneréaz, Lausanne.

    Paul Landormy. Histoire de la Musique.