Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/230

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
223
SUBSTITUTS DU LIVRE


243.3 Films : cinéma.
243.31 Notion.

a) Le cinéma (Motion Picture) a été appelé la machine à refaire la vie. C’est le 7e art.[1]

b) Les premiers essais concluants datent de 1895. Le développement de l’invention a été tel que des représentations cinématographiques ont lieu maintenant sur la surface entière du globe, jusque dans les pays les moins ouverts à la civilisation et dans les bourgades les plus reculées. C’est que le cinématographe donne la plus étonnante illusion de la réalité et de la vie qu’il se puisse imaginer, en faisant uniquement appel au sens de la vie, qu’on peut considérer comme le plus subtil, le plus parfait pour tout dire.

c) Le cinématographe donne lieu à la projection à raison de 15 par seconde d’une série de photographies prises suivant le même rythme, les images de ces projections sur la rétine du spectateur se fondant en une sensation unique continue. Cette fusion a lieu grâce à la persistance des impressions lumineuses sur la rétine pendant environ un dizième de seconde et après qu’a disparu la cause qui l’a engendrée.

d) Les films soulèvent des questions nombreuses. Comme document on y retrouve ainsi que dans les livres les éléments matériels (support), les éléments graphiques, les éléments intellectuels, les éléments scientifiques ou littéraires. On y retrouve aussi le cycle des opérations documentaires : élaboration (tourner le film), édition et vente, catalographie, critique, formation des collections, utilisation (projection).

243.32 Historique.

a) L’historique du cinéma est à présenter à plusieurs points de vue. Au point de vue technique, en 1825, l’Anglais Fitton applique à l’image le principe de la retention rétinienne. En 1829 ce principe donne naissance au disque de Newton. Viennent ensuite le Phénakisticope ou Kaléidoscope, le Praxinoscope de Raynaud et enfin le fusil photographique de Marey en 1875. Ce sont les véritables ancêtres du cinéma. En 1895, les frères Auguste et Louis Lumière présentent le cinématographe. En 1900, les frères Pathé inaugurent le premier studio cinématographique à Vincennes.

Et depuis l’invention proprement dite du cinéma, le progrès s’est manifesté dans trois directions : le cinématographe en couleurs naturelles, le relief en cinématographie et le film parlant (synchronisation de la reproduction de la voix et de l’image).

b) Au point de vue des données reproduites, le cinéma a plusieurs époques dans son histoire. 1° Il commence en 1895 par des prestidigitateurs qui multipliaient les acrobaties, les fantaisies, les apparitions, les dédoublements, les prises d’images à l’envers. 2° Les appareils se présentent dans les foires avec des pellicules allant des scènes mélodramatiques aux aventures de voleurs, aux crimes horribles en passant par des sujets légers et plus que légers. 3° En 1902, on aborde le grand sujet historique : ex. les drames célèbres à grande mise en scène, avec films parfois de 300 mètres. 4° En 1905, les acteurs connus et aimés du public cessent de considérer le cinéma comme une distraction de bas-étage. Delvaux, de Max, Mounet-Sully, représentent Athalie et Œdipe, premiers essais pour porter le théâtre au cinéma.

c) Au point de vue esthétique. 1. Les débuts du cinéma ont été de caractère expérimental. Ils en constituent l’étape métaphysique par l’exposition contemplative et interrogative des choses et des phénomènes comme par la présence d’une action offerte comme simultanée. 2. Alors suivirent des périodes grises pendant lesquelles la technique se perfectionne. 3. Le cinéma aborde timidement un pseudo-naturalisme éphémère. 4. Il atteint brusquement son âge d’or en réalisant les premiers films matérialistes de l’école italienne : il est près du théâtre et offre des documents réels et concrets des troubles psychiques de toutes sortes, du cours véridique des névroses. 5. Le cinéma comique, celui dont les films portent à rire. 6. Les films de propagande révolutionnaire. 7. Le cinéma surréaliste.[2]

« Le cinéma, art qui le premier a dû s’appuyer sur l’argent progresse par l’argent. » (Real Cleid.)

« L’industrialisation peut, demain, détruire tous les espoirs qu’avait fait naître en nous la découverte du monde des images. »

d) Le cinéma n’en est encore qu’à ses premières étincelles. Un avenir illimité est ouvert devant lui. Le cinéma peut devenir plus important que l’imprimerie. De même que les contemporains de l’invention de celle-ci se sont mal rendu compte de son immense importance, peut-être en est-il de même pour nous à l’égard du cinéma.

243.33 Caractéristiques.
243.331 EN GÉNÉRAL.

En ce siècle de vie intense, le cinéma dispense de voyager, de lire, de se bourrer le cerveau de mille choses encombrantes dont le souvenir s’est effacé au moment où l’on veut y recourir.

Le cinéma au contraire parle au cerveau par les yeux.

  1. Coustet, Ernest. Le Cinéma, article illustré dans Larousse mensuel, mai 1920. — Ciné, par Maurice Widy. Étude de l’histoire du ciné et de son industrialisation. — Le scénario du cinéma, par Marcel Desinatine. — Revue du Cinéma éducateur, publié par la S. D. N. — Balasz, Bela Der Geist des Films.
  2. Salvator Dali. Abrégé d’une histoire critique du cinéma. (Édition des cahiers libres).