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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

technique (système Van Rysselberghe) ; il n’en est résulté aucune limitation du nombre ni de l’efficacité des canaux de conversation.

2. — Téléphone et documentation.

a) La communication téléphonique remplace les lettres (ou les visites). Elle a l’avantage de la rapidité (instantanément sont échangées questions, réponses, nouvelles questions, nouvelles réponses, discussions en détail, accords). Mais tout s’y envole : verba volant. Il est donc bon de confirmer par lettre ou d’établir pour soi une note, un memorandum qui dans la documentation sera traitée comme une lettre.

b) Des appareils récemment inventés ont pour objet de permettre l’enregistrement automatique des conversations, notamment en cas d’absence du correspondant. D’autres appareils permettent de répondre d’un point central à des questions posées ; ainsi l’heure au téléphone.

c) Même excellentes, les relations téléphoniques ou télégraphiques ne peuvent remplacer la conversation directe. Hindenburg et Ludendorff en durent convenir pendant la guerre en cherchant à fusionner le grand quartier général qui était à Charleville avec le quartier impérial qui était à Plessis (sept. 1916).

254 Répartition et diffusion du Livre.

1. — La répartition en général.

L’économie du livre, bien intellectuel, implique, comme l’économie des biens matériels, elle-même la fonction de répartition. Qui possédé les livres et par quels processus sont-ils répartis entre les possesseurs ? En fait, la répartition est fort inégale : 1° Entre les pays. Des pays anciens possèdent des collections anciennes qui manquent aux pays neufs (ex. l’Italie, la France, l’Allemagne, le Paraguay, la Nouvelle Zélande). Des pays riches capables d’acquérir les livres anciens comme les États-Unis et les pays pauvres comme les Républiques de l’Amérique centrale. 2° Entre individus : les classes riches peuvent acquérir des œuvres dont doivent se priver les classes moins avantagées par la fortune, à raison du prix ou du temps d’ouverture des bibliothèques. 3° Entre professions : celles fondées sur l’érudition et celles sujettes à constantes transformations (médecine, technique) ou impliquant un vaste champ de données à mettre en œuvre en chaque cas (droit). 4° Entre les villes et les campagnes. Les villes concentrent des livres et des collections publiques, surtout dans les capitales ; ils manquent dans la province et dans les campagnes. 5° Entre agglomérations où la répartition du livre est bien organisée et celle où elle fait défaut (ex. les États-Unis, l’Allemagne). La statistique tend à chiffrer les totaux de la répartition du livre et les coefficients par catégories d’habitants des livres mis à leur disposition.

On verra peut-être un jour naître un droit social nouveau, le droit pour tout homme, pour tout citoyen d’un pays (ou du monde) de pouvoir disposer d’un ensemble minimum de livres. Ce droit serait analogue au droit à l’éducation qui a pris la forme non seulement du droit d’aller gratuitement à l’école, mais l’obligation de la fréquenter (instruction obligatoire).

Toute civilisation est un produit artificiel, elle se réalise sous l’empire des connaissances élaborées en sciences systématiques par l’intelligence. Plus ces connaissances seront répandues dans le corps social, plus pourra progresser la civilisation. D’où la nécessité de le distribuer largement, et ceci doit se faire par les canaux de l’Éducation, de l’Information, de la Documentation.

2. — Dépôt légal.

a) Le dépôt légal consiste dans la remise obligatoire par l’éditeur, l’imprimeur ou l’auteur, d’exemplaires de tout ouvrage ou périodique publiés.

b) Le motif du dépôt légal a varié avec les âges. Il était destiné à la censure d’abord (Zensurexemplar), puis à la protection contre la reproduction (Schutexemplar), puis dans l’intérêt des collections et finalement dans l’intérêt de la bibliographie, c’est-à-dire des intérêts scientifiques (Studienexemplar). Le dépôt légal est à la base de la bibliographie nationale. Il est désirable qu’il soit complet et rapide, qu’il s’étende à toutes les publications, livres et périodiques, que les sanctions de la loi soient effectives.

c) Le dépôt légal a été prescrit le 5 août 1617 par un édit du roi Louis XIII, édit prescrivant de déposer gratuitement à la Bibliothèque royale deux exemplaires de tout ouvrage imprimé. Ce fut l’origine du dépôt légal. Le nombre des exemplaires à déposer a varié au cours des temps, allant jusqu’à 9. Réduit à 5 exemplaires sous l’Empire, le dépôt n’est plus actuellement que de deux exemplaires.

d) Le dépôt légal existe dans beaucoup de pays. Le nombre d’exemplaires à déposer varie. En Russie, il atteint 24.

3. — Distribution gratuite.

La distribution gratuite est désirable pour des œuvres de science et pour celles que les propagandes spéciales désirent voir largement répandues. Cet envoi devrait être fait aux Universités, Bibliothèques, Institutions scientifiques, Organisations internationales, afin de porter la connaissance des publications dans tout centre d’étude et d’action internationale. Les auteurs devraient s’attacher à faire le dépôt gracieux de leurs œuvres dans quelques grandes bibliothèques de divers pays. De même les institutions par leurs éditions. La Carnegie Dotation distribue des petites bibliothèques concernant la question de la Paix.