Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/327

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
320
257
LE LIVRE ET LE DOCUMENT

aussi en raison inverse de cet angle, plus grande dans la vision de loin, où l’angle est plus petit, et moindre dans la vision de près, où l’angle est plus grand.

Pour ces motifs et à cause des dimensions plus considérables des images perçues, les enfants préfèrent la lecture rapprochée. C’est là, toutefois, avec les lésions correspondantes de l’accommodation et de la convergence, une cause fréquente de l’asthénopie, c’est-à-dire de la fatigue oculaire. Il faut tenir compte néanmoins des habitudes personnelles.

Les lignes ne sont vues que partiellement, par section, et chaque section correspond à une saccade. On lit 20 lettres environ par section, un peu plus si les lettres sont étroites ou petites, un peu moins si elles sont longues et grandes. Chaque saccade avec arrêt consécutif dure en moyenne une demi-seconde. On peut enregistrer les saccades de lecture avec une tige appliquée sur les conjonctives et reliée à un tambour résonnateur qui communique avec les oreilles par deux tubes en caoutchouc ; on perçoit d’ailleurs les saccades en appliquant simplement la pulpe du doigt sur la paupière.

L’Université de Chicago possède un instrument de 600, 000 dollars servant à photographier les différents mouvements et positions des yeux pendant la lecture. Les photographies enregistrées sur un film de cinéma montrent la position des yeux à chaque 25e de seconde. Des changements résultant des découvertes faites grâce à cet appareil, ont été effectués dans l’enseignement de la lecture.

La lecture peut devenir aussi automatique que l’audition verbale. 1° Chez les gens peu habitués on peut voir des mouvements d’articulation de la parole accompagner la lecture. 2° Chez les gens entraînés l’articulation et l’audition se font mentalement. 3° Dans les cas extrêmes, ces intermédiaires finissent par disparaître complètement de la conscience pour ne laisser subsister que la compréhension réduite souvent, elle aussi, au minimum. (Delacroix.)

Comment apprendre à lire, à commencer par les petits ?

Les recherches se poursuivent, notamment en Amérique et Allemagne. Les lettres et les mots sont des abstractions. Mais le terme corrélatif d’abstrait c’est le concret. Il faudrait d’abord donner la lecture, aux grands peut-être comme aux petits, par image et apprendre à raconter, à exposer ce qu’ils voient ; de là on viendrait à réaliser ce principe : « de la chose au signe ». (Travaux de Gansberg, Greyerz, Lay, Enderlim, L. H. Lanbek, Neue deutsche Schule, février 1932)

Il y a la lecture globale du Dr Decroly.

2. L’œil. — La lecture reste conditionnée par l’organe de la vue. Tout ce qui peut améliorer celle-ci ou améliorer les conditions où elle s’exerce est favorable à la lecture. De nouvelles études ont été entreprises sur l’acuité visuelle et ses variations. M. Danjon nous les relate. La structure discontinue de la rétine impose sa valeur. L’acuité visuelle est mesurée au moyen d’une mire de traits parallèles et équidistants séparés par des intervalles de même épaisseur. En éloignant progressivement de la mire, on constate qu’il existe une distance limite au delà de laquelle les traits se fondent en une tache grise uniforme. L’angle limite sous lequel on voit alors la distance qui sépare les axes de deux traits consécutifs s’appelle pouvoir séparateur de l’œil. Ce pouvoir varie avec la brillance de la mire et le contraste entre les traits noirs et le fond. Il y a là des observations qui devraient déterminer le choix des caractères et du papier et les conditions de lumière pour la bonne lecture.[1] Il y a dans le seul nerf auditif 3,000 fibres distinctes. Une éducation appropriée de l’oreille pourrait la rendre capable de saisir une multitude de combinaisons musicales infiniment plus compliquées que celles qui lui sont aujourd’hui accessibles. L’étude des organes de la vue n’a pas encore atteint la même précision que l’étude des organes de l’ouïe, mais on en sait déjà assez pour avoir le droit de tirer des conclusions analogues.

257.92 Hygiène visuelle.

a) Conditions optima. Distance. — La lecture doit être faite à 30 centimètres environ dans des conditions normales d’éclairage, de composition, de papier, etc. Myopes, presbites, astygmates, doivent veiller à se servir de verres appropriés à leur vue dont il convient, de période en période, de constater l’état. Prendre soin des yeux comme du bien le plus précieux qu’on possède.

b) Éclairage. — L’éclairage minimum sera de dix bougies. Avoir un bon éclairage. Lumière abondante. Éviter éclairage trop vif, éblouissant, tel que le soleil donnant directement sur les pages. Il faut une lumière douce, égale, tamisée, plutôt que vive et éblouissante. D’abord lumière solaire, puis éclairage électrique, par incandescence, mais avec abat-jour pour concentrer toute la lumière sur la page, ou éclairage à manchon par incandescence.

Un œil donné voit avec plus ou moins de netteté, dans des conditions d’éclairage déterminées, suivant l’état où cet éclairage met : a) l’acuité visuelle (l’acuité est dite d’autant plus grande que sont plus voisins les points que l’œil distingue nettement l’un de l’autre) ; b) la sensibilité relative de l’œil, sa facilité d’apprécier les différences d’éclat et de couleur. Comme le regard n’embrasse à la fois qu’un champ extrêmement limité et se déplace donc continuellement, la netteté dépend encore de la rapidité de perception, de la rapidité d’accommodation. La durée

  1. Danjon : Revue d’optique, mai 1928 (analyse dans Revue scientifique, 1929, p. 245).