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CONSERVATION. ALTÉRATION

signe, de l’encre, par exemple, qui a servi à tracer les caractères. Au figuré, on dira d’un souvenir qu’il est ineffaçable et d’une tache qu’elle est indélébile. Ce qui s’écrit se corrige, se biffe, s’efface ou se détruit. Quatre modalités de l’anéantissement. Biffer n’est pas effacer. Dans l’ancienne France, des arrêts du Conseil ordonnaient parfois au Parlement de biffer des remontrances de ses propres registres.

Au moyen âge des moines ignorants détruisaient quantités de manuscrits anciens en effaçant les textes par ponçage du vélin et en s’en servant pour y transcrire des œuvres religieuses (d’où palimpsestes) Heureusement on parvint plus tord à reconstituer une partie des textes primitifs sous les textes superposés.

c) Il y a des destructions partielles sous forme de mutilation. Après que les Fleurs du Mal de Baudelaire eurent été condamnées (1857). l’éditeur, Poulet-Malassis, au lieu de détruire les exemplaires qui lui restaient, les mit en vente après s’être contenté de couper les six pièces condamnées.

d) À côté de la destruction des livres et des documents, il y a la destruction de l’ordre qui y a été apporté dans les collections. Déranger cet ordre, ne pas remettre en place, c’est un acte de véritable destruction. Le livre peut encore être là et tout entier : la collection est détruite dès que la série qu’elle constitue a été altérée ou détruite.[1]

e) Il y a destruction à entrevoir du livre comme tel par extension de ses substituts. Dans la Mort du Livre de Maurice Escoffier, est sonné le glas du livre évincé par la T. S. F. On a répondu à l’auteur que tout au plus cinq ou six chapitres radiodiffusés seraient supportables à l’audition et qu’une cinquantaine de livres au plus pourraient être diffusés en une année.

259.25 Destruction pour causes naturelles.

a) Trois facteurs influent sur la vie physique du livre : 1° la qualité de l’édition, le papier ; 2° la qualité de la reliure ; 3° la manière dont le lecteur traite le livre.

b) La destruction du livre provient de l’usure, par les suites des manipulations et des accidents de toute nature survenus au cours de la vie d’un livre. Les ouvrages des bibliothèques très fréquentées, particulièrement ceux des bibliothèques les plus populaires, ont une vie limitée. On peut estimer qu’après dix ans un tiers des livres sont inutilisables et dépréciés. La vie d’un livre qui passe 12 fois par an par des mains différentes est encore plus courte. Dans les bibliothèques qui ne comportent pas de grands ensembles aussi complets que possible, il y a lieu de procéder à des éliminations. Ce sont des espèces de destruction de livres par rapport aux organismes possesseurs. Cette élimination porte sur les ouvrages périmés ou en mauvais état. Elle doit avoir pour corollaire non la destruction des ouvrages eux-mêmes, mais leur envoi dans d’autres dépôts.

c) Il y a destruction des livres par les insectes. Les remèdes préventifs souvent essayés ne sont pas d’une efficacité générale (naphtol, benzine, sublimé corrosif mélangé à la colle, rayon de bois imbibé de sulfate ou d’acétate de cuivre). Certains procédés sont dommageables pour les livres, tels le battage des volumes, le sulfure de carbone. À la suite d’un concours instauré par le Congrès international des Bibliothécaires en 1900, trois mémoires ont étudié le problème et y ont répondu de manières diverses.

d) Les progrès de la technique, en produisant du mauvais papier, sont facteurs de la destruction des livres.

e) Malgré les précautions, il est nécessaire d’envisager la reproduction des livres et des documents. Les œuvres finissent par se détériorer et s’anéantir. Il faut donc prévenir la destruction intellectuelle en opérant des reproductions à temps. C’est une manière de course au flambeau qui ne peut jamais s’interrompre.

259.26 Le feu.

a) Le papier reste fort inflammable, mais compact dans la forme du livre, il l’est moins. On a démontré récemment dans des expériences à Magdebourg que le chaume des toitures pouvait être rendu incombustible par compression de la paille. Pour le feu, il faut de l’air.

b) Le feu a détruit bien des livres au cours de l’histoire. Avant la guerre la bibliothèque de Turin, depuis la bibliothèque de l’Abbaye de Tongerloo au nord d’Anvers, à Paris les collections documentaires du Pavillon hollandais de l’Exposition Coloniale de Vincennes.

c) Les manuscrits abîmés, détériorés sont reconstitués. Dans les Memorie della Reale Academia della Scienze di Torino (2e série LIV) et dans l’Encyclopedia Chimico supplément annuel 1905, M. Guareschi, qui fut chargé après l’incendie de la bibliothèque de Turin de procéder aux essais de reconstitution de manuscrits détériorés, a consigné l’intéressant résultat de ses recherches.

259.27 Destruction volontaire des documents.

a) Les livres et les documents donnent lieu à destruction, volontaire, occasionnelle ou systématique, isolément ou par grands ensembles. Quand y a-t-il lieu à semblable destruction et quelles normes devraient présider à une destruction rationnelle ? Il faut distinguer selon les cas, mais toujours procéder avec circonspection.

b) Il y a lieu à destruction périodique de certains papiers personnels (correspondance, notes manuscrites,

  1. Sur le désordre qui fut introduit en 1924 dans la Bibliothèque Mondiale à la suite d’un désastreux déménagement d’office, voir la Publication de l’Union des Associations Internationales : L’Affaire du Palais Mondial.