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UNITÉS OU ENSEMBLES

non seulement surmontera tous les dangers de la monotonie, mais encore en fera ressortir l’incomparable valeur morale, soutien de la beauté littéraire parvenue à son plus haut apogée. »

c) Prospérité ou crise, ordre ou révolution, guerre ou paix, les œuvres littéraires jaillissent intarissablement. Voici la nouvelle littérature russe. Dans la préface de « La Défaite » par Alex. Fedeev (Éditions Sociales internationales), Maurice Parijanine écrit : « Notre littérature prolétarienne a une tâche essentielle : celle de montrer comment, dans l’atmosphère d’une grande révolution sociale, le « vieil homme » quelles que soient ses origines, réagit aux événements, comment se forme l’homme d’un nouvel âge, qui appartiendra corps et âme à la collectivité, qui sera membre actif et utile dans un état socialiste… »

Et l’on voit des œuvres comme « Nous autres » de Zamiatin décrire l’antagonisme, dans un univers caractérisé par la mécanisation à outrance, entre la raison et l’imagination, l’ordre établi et l’attrait subversif de la révolution, entre l’individualisme et la soumission complète à la collectivité, entre la notion de bien, représentant tout ce qui est admis et la notion de mal représentant tout ce que l’homme étouffe de lui-même.

d) La littérature contemporaine a été tour à tour romantique, idéaliste, parnassienne, réaliste, symboliste, éprise d’idées internationalistes.

Deux grands courants traversent la littérature actuelle : 1o ceux qui proclament la littérature pour la littérature ; 2o ceux qui disent : Littérature veut dire vie exaltée, vie consolée. Le métier fait la pensée de l’écrivain, comme la pensée fait le métier. Âme, cœur, intelligence, doivent être unis dans tout acte, à toute minute de la journée. N’écrire qu’avec la main qui agit.

6. Genres littéraires.

a) Il y a une multitude de genres littéraires.

Lors de la lutte des classiques et des romantiques, un académicien disait en 1824 : « Les genres ont été reconnus et fixés, on ne peut en changer la nature ni en augmenter le nombre ».

Dumas Père recevait Madame Bovary de Flaubert et écrivait : « Si c’est bon cela, tout ce que nous écrivons depuis 1830, ça ne vaut rien. »

En fait, entre les différents genres littéraires, il n’y a pas eu de solution de continuité. Au moyen âge, l’histoire était mêlée de roman et le roman de l’histoire.

En littérature, on a inventé des genres nouveaux et on en invente encore : tel le genre opérette inventé sous le second empire.

b) Les mêmes formes, les mêmes idées à exprimer peuvent donner lieu à vingt formes différentes. Contes philosophiques, dialogues, discours, conférences, rêveries, théâtre. « Tout livre qui a exercé son influence sur le mouvement de la société a eu son allure propre qui ne permet guère de le classer. Qu’est-ce Don Quichotte, et Pantagruel, et Faust ? » (M. Barrès.)

En tant que forme d’un même fond littéraire, et selon l’ordre chronologique d’apparition, la pensée est exprimée la première par le roman ; le théâtre a habituellement un retard.

c) Description. — Dans une description, il n’y a pas d’action ou du moins d’action unique. L’ordre des parties est facultatif.

Il faut savoir répartir les détails en quelques groupes nettement séparés, afin de donner à la description toute la clarté désirable. Pour cela une vue générale de l’objet à décrire est souvent nécessaire. On indique ensuite les différents points qu’on traitera et l’on développe ceux-ci l’un après l’autre. Quand on visite un monument, il ne suffit pas de visiter successivement toutes les parties, il faut y jeter un coup d’œil d’ensemble.

La description comprend le tableau et le portrait. Le tableau est une description dont le titre conviendrait également à l’œuvre d’un peintre et qui ne renferme pas autre chose que ce que l’artiste pourrait fixer sur la toile. C’est une description destinée à remplacer le tableau qu’on n’a pas sous les yeux. Le portrait est une description physique et morale.

d) Narration. — En rhétorique, c’est la partie du discours qui comprend le récit des faits : l’exposition la précède et la confirmation la suit. On distingue la narration oratoire de la narration historique et de la narration poétique. Celle-ci est laissée à l’imagination du poète.

La narration historique, au contraire, doit exprimer l’exacte vérité ; quant à la narration oratoire elle s’accommode au discours et expose les faits sous le jour le plus favorable à la cause. On cite Démosthène, Cicéron, Bossuet, comme ayant excellé dans ce genre. On étend aussi le nom de narration à toutes sortes de récits et d’exercices littéraires par lesquels les humanistes se préparent à suivre les cours de rhétorique.

c) Conte. — On comprend, sous ce nom, tout un genre de littérature, en prose ou en vers, qui a été cultivé très anciennement et chez divers peuples. L’Asie nous a donné : les Contes indiens de Bidpay, qui vivait, dit-on, deux mille ans avant J.-C. ; les Fables Milésiennes d’Aristide de Milet, regardées comme la source du roman grec ; les Mille et une Nuits de Saadi, poète persan. L’Occident a eu : les contes chevaleresques et les romans de nos trouvères ; les contes de fées (Chaperon rouge, Petit Poucet, Peau d’âne, Barbe bleue) ; les contes-nouvelles (Decaméron et Heptaméron) ; bref, les contes de toutes sortes : fantastiques, philosophiques, moraux.

f) Épopée. — La Divine Comédie n’est pas une création subite, le sublime caprice d’un artiste divinement doué. Elle se rattache au contraire à tout un cycle antérieur, à une pensée permanente qu’on voit se reproduire