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UNITÉS OU ENSEMBLES

périodiquement dans les âges précédents ; pensée uniforme d’abord, qui se dégage peu à peu, qui s’essaye diversement à travers les siècles, jusqu’à ce qu’un homme s’en empare et la fixe définitivement dans un chef-d’œuvre.

(C. Labitte.)

g) Mythe. — Il diffère de l’allégorie et la fable en ce qu’il est moins une création des poètes qu’un produit spontané de l’imagination populaire. Le mythe joue un grand rôle à l’origine des religions qui tombèrent dans le polythéisme et l’anthropomorphisme, comme celles de l’Inde et de la Grèce (la Mythologie). Souvent il traduit des faits historiques, embellis par la reconnaissance ou l’admiration populaire ; ainsi les mythes de Jupiter, de Janus, etc., qui paraissent avoir été d’anciens rois ; d’autres fois il exprime de grands phénomènes naturels, comme la lutte du jour et de la nuit, le désordre des éléments pendant la tempête, la foudre, les tremblements de terre ; d’autres fois, enfin, il porte avec lui un sens moral : ainsi le mythe de Prométhée, celui de Pandore.

h) Littérature érotique, pornographique. — Elle s’est signalée autrefois par sa truculence ou sa courtoisie, ses prétentions philosophiques ou son mépris de tout spiritualisme ; aujourd’hui elle est marquée du signe de la ruse intellectuelle, sa caractéristique n’est ni dans la complaisance, ni dans l’audace, ni dans le réalisme, mais dans la vogue de l’anormal, du morbide et du malsain.[1]

« Mettre tant de descriptions, tant de scènes, tant de recettes de péchés mortels, sous les yeux de jeunes gens effervescents, sous les yeux de jeunes filles que leur maman a déjà mille peines à empêcher de jouir des apéritifs défendus avant le mariage, ou des époux qui s’ennuient d’être toujours en tête à tête avec le même partenaire, les documenter comme on fait, les enflammer, les exciter, augmenter la force explosive, diminuer leur force de résistance, dérégler ne fût-ce que pour quelques heures, mais on ne sait jamais le frein de leur conscience ; cela, ce n’est pas bien du tout, c’est même très mal, surtout de la part d’un homme qui professe le respect de la morale chrétienne et qui reconnaît qu’il y a lieu d’obéir aux 6e et 9e commandements de Dieu. Luxurieux point ne seras, de corps ni de consentement. L’œuvre de chair ne désireras qu’en mariage seulement. » (L’abbé Englebert sur les Bacchantes de Daudet, mises à l’index. Revue Catholique, des idées et des fats. 1932.04.15, p. 114.)

i) Livres futiles. — Il n’est de composition futile ni ridicule qui n’ait été faite. Des œuvres littéraires existent dont les auteurs ont omis à dessein une lettre de l’alphabet (lipogrammatique). Pindare composa déjà une ode qui était dépourvue de la lettre S. Nestor de Laranda, contemporain de l’empereur Sévère, fit une Illiade en 24 chants dont le premier était sans A, le second sans B et ainsi des autres. Le moyen âge a vu naître quelques ouvrages de cette nature où des Italiens modernes ont aussi excellé.

j) En dehors de tous les genres, il en est deux qui partagent tous les autres : le genre ennuyeux et le genre intéressant.

7. Poésie.

a) De l’inspiration naquit la poésie, ce langage des dieux. Il serait injuste de ne voir dans la poésie et dans la prose qu’une distinction fondée dans la mesure, la cadence et l’observation des autres règles poétiques. Ces deux formes de la parole répondent surtout à deux manières bien différentes de sentir et d’exprimer le vrai et le beau. Combien de versificateurs laborieux, dit E. Blanc (Dictionnaire Universel de la Pensée), qui n’ont pu jamais se dégager de la prose, tandis que des prosateurs mieux doués s’élevaient sans effort et sans prétention à une sublime poésie ! Il y a deux tendances qui sollicitent inégalement toutes les âmes. Les uns charmés par les tableaux de leur imagination, émus du pressentiment de l’infini et de l’expectative d’une révélation suprême, cherchent des horizons nouveaux, comme ces hardis navigateurs à qui l’ancien monde ne suffisait plus. La terre, malgré son immensité, leur paraît trop étroite ; ils aspirent sans cesse à une vie supérieure, idéale, où les spectacles de leur imagination et les conceptions enchanteresses de leur esprit ne seraient plus de vains rêves. C’est parmi eux qu’il faut chercher les poètes. Il en est d’autres, au contraire, que l’imagination ne séduira jamais, et que les possibilités entrevues ne sauraient distraire du fait qui vient de s’accomplir ou qui se prépare. Sans danger de tomber jamais au-dessous de la réalité, comme aussi sans espoir de s’élever au-dessus, ils suivent une voie uniforme, non sans mérites et sans honneur. C’est parmi eux qu’on choisira plus d’un esprit judicieux et ferme. Mais qu’ils renoncent à l’espoir d’être jamais poètes. Heureux celui en qui l’imagination la plus vive s’allierait à la raison la plus ferme et la mieux éclairée. Mais qui peut hériter en même temps de toute la verve des poètes et de toute la raison des philosophes, succéder à Homère en même temps qu’à Aristote, écrire l’Illiade en même temps que la Métaphysique ?

b) Genres. — Il y a plusieurs genres de poésie. Au point de vue du but que poursuit le poète, et de la forme qu’il choisit, on distingue les poésies lyrique, épique ou héroïque, dramatique, didactique ou philosophique, élégiaque, pastorale ou bucolique, érotique, satirique, la poésie descriptive (très pratiquée au XVIIIe siècle). Selon les matières ou selon la façon dont elles sont traitées, la poésie est dite sacrée ou profane, sérieuse ou légère, badine, etc. Au point de vue du rythme et de la mesure,

  1. Raoul Derwere. — « L’érotisme dans la littérature moderne ». La Revue nationale. Bruxelles. 15 avril 1933.

    La Société des Nations a organisé une enquête par rapports annuels sur les publications obscènes (livres, images, photographies, périodiques, films, cartes et cartes postales). Les questions s’inspirent de l’accord de 1910 et de la convention internationale de 1923.