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BIBLIOLOGIE

rapidité, mais elle est trop souvent acquise au prix d’un effrayant relâchement de la pensée. (E. Giscard d’Estaing)

La vieille calligraphie, imposée par des coups de règles sur les doigts s’en est allée. Et l’écriture est tombée en décadence. Les idées sociales à son sujet ont évolué. On a reconnu que la décadence avait commencé par l’introduction de la plume métallique, la plume pointue instrument de martyre pour le jeune enfant, de même que le cahier à réglure multiple. Toute la spontanéité a disparu avec la liberté. L’écriture doit rester dès le début, comme le dessin, l’expression de la personnalité, bien qu’avec des qualités essentielles de lisibilité, d’harmonie et de rapidité.[1] En Allemagne, il y a lieu de signaler la méthode Kuhlmann et la méthode Huliger, ainsi que les nouvelles plumes Sönnecken.

Les plumes ont grande importance. Les éducateurs ont condamné les plumes pointues qui conduisent à la tension nerveuse, puis à la crispation musculaire. Les grosses plumes donnent plus de régularité et de lisibilité à l’écriture. (Ex. : S 21 ou 20 ou 5 de Sönnecken, nos 23, 28, 29 de Mallat.)

Heintze et Blanckertz ont entrepris en Allemagne un mouvement pour la réforme de l’écriture. (Verlag für Schriftkunde. Berlin 44 Georgenkurthstrasse.)

222.142 LES ENCRES.

1. L’encre est le liquide préparé pour écrire, imprimer ou dessiner à la plume.

2. Il y a un grand nombre d’encres différentes. Encre d’imprimerie, pâte composée de diverses matières et notamment de noir de fumée et d’huile de lin. Encre autographique, encre dont on se sert en lithographie pour écrire sur un papier préparé et transporter ensuite sur la pierre ce qu’on a écrit ou dessiné. Encre sympathique, liquide incolore sur le papier et que l’on peut rendre visible en soumettant l’écriture à certaines influences chimiques. Encre de Chine, préparation sèche de noir de fumée qu’on emploie particulièrement dans le dessin au lavis.

3. L’Égypte, semble-t-il, fut la première à étendre l’usage de l’écriture à l’encre sur pierre et bois, aux feuilles de papyrus convenablement apprêtées. Cette invention produisit une grande révolution dans l’art de représenter les idées et les choses. Elle aida à faire passer la peinture d’objets hiéroglyphiques en écritures et signes hiératiques, lesquels de plus en plus simplifiés, donnèrent naissance aux caractères coptes de l’écriture démotique. Les anciens écrivaient à l’encre en même temps que sur les tablettes de cire. Les encres des palympsestes étaient fort résistantes. Après un recul dans la fabrication du IXe au XIIe siècle, on assiste à un progrès continu. Les encres italiennes et espagnoles du XVIe siècle atteignent au plus haut degré de perfection. La décadence commence au XVIIe siècle. De nos jours les encres manquent de longue résistance.

4. En principe, il s’agit, dans l’écriture, de différencier la matière de manière à faire apparaître un signe sur un fond. On procédera soit par coloration (noir ou couleur), soit par différenciation du volume (relief ou incision provoquant éventuellement des ombres). Il y a toute une échelle de la profondeur à la hauteur (lettres superposées). La différenciation de caractères et de textes peut se faire par la couleur.

5. Des livres ont été imprimés en couleurs. Pendant deux siècles, en France et ailleurs, on a imprimé à l’encre rouge et à l’encre noire ensemble.

La couleur rouge fut assez généralement affectée aux titres des livres, à la première lettre d’un alinéa. Dans les rescrits impériaux, la formule de la date est rouge. En Chine, l’usage de l’encre rouge dans les écrits officiels était réservé à l’empereur. On a écrit en bleu, en jaune, en vert.

L’or a été beaucoup employé au moyen âge, principalement du VIIIe au Xe siècle. On possède plusieurs évangiles, des livres d’heures et nombre de diplômes écrits de cette matière. L’or était réduit en encre et étendu au moyen de la plume, ou bien était appliqué par feuilles sur un appareil qui le fixait au velin, ou réduit en poudre, il était aggloméré au moyen de la gomme arabique.

L’expérience apprend que l’impression noir sur blanc vaut mieux que blanc sur noir. La couleur rouge est celle qui accroche le plus nos regards… Le vert est la couleur suivant immédiatement le rouge dans ses effets sur l’attention. Ces faits découlent d’expériences de laboratoire et servent de base à la réclame.

De nos jours les livres d’art et les impressions de bibliophiles ont attaché du prix à la couleur des encres.

On possède le « Livre des quatre couleurs aux quatre éléments, de l’imprimerie des quatre saisons, l’an 4444 », imprimé en rouge, bleu, orange et violet. (Ce qui donne une géométrie en couleurs.)

6. L’encre noire des anciens était composée de noir de fumée, de gomme, d’eau, de vinaigre. Elle fut employée jusqu’au XIIe siècle. On inventa alors l’encre composée de sulfate de fer, de noix de galle, de gomme et d’eau, qui est encore en usage.

7. La consommation d’encre est considérable. L’Allemagne consomme environ 40 millions de quintaux de papier par an. À cette consommation correspond celle de 360,000 quintaux d’encre d’imprimerie. Les plus grands consommateurs sont évidemment les journaux qui, à eux seuls, absorbent 40 % du total des encres. Les autres encres noires (labeur et illustration) n’atteignent pas même 20 % du chiffre total. Par contre, l’emploi des couleurs d’imprimerie représente environ le quart de la consommation totale. Les encres d’héliogravure y participent à raison d’un sixième. La matière colorante ne

  1. R. Dottrens. L’enseignement de l’écriture, nouvelles méthodes (Paris, Delachaux et Niestle).