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BIBLIOLOGIE

5. Au début l’écriture était angulaire, parce qu’elle était obtenue par les épigraphistes, sculpteurs sur pierre ou graveurs sur bronze qui faisaient les inscriptions. Quand on écrivit plus tard sur des matières où la plume était l’instrument, on put faire les courbes et l’écriture se modifia, elle devint cursive.

6. Une personne quelque peu habituée à manier la plume peut écrire en moyenne trente mots à la minute, ce qui représente avec les courbes et les inflexions, une longueur de 5 mètres ou 300 mètres à l’heure, 3000 mètres dans une journée de dix heures de travail, ou 1095 kilomètres par an. De plus, en écrivant 30 mots à la minute, la plume fait en moyenne 480 courbes et inflexions, soit 28.000 à l’heure, 288.000 par journée de dix heures ou 105.120 kilomètres par an, enlevés à la force du poignet et des doigts…

7. L’écriture lisible demeure un desiderata, surtout pour l’écriture commerciale, l’écriture comptable et l’écriture administrative. Cette lisibilité de l’écriture est difficile à obtenir avec la presse de la vie et l’obligation pour certains d’écrire vite et beaucoup.

C’est une vraie fatigue de lire des écritures différentes. Qu’on se figure par ex., un fonctionnaire ayant à lire tous les jours 100 à 150 requêtes écrites par des pauvres. Qu’on se figure aussi les peines des dactylographes et des typographes. « Il y a quelques années, disait un savant, il n’y avait que deux personnes qui savaient lire mon écriture. Dieu et moi ; maintenant il n’y en a plus qu’une. Dieu. »

8. Un mouvement s’est développé pour amener à se servir des deux mains pour écrire, indifféremment de la droite ou de la gauche. Les mutilations de la guerre ont ajouté aux raisons d’être de l’écriture ambidextre.[1]

222.152 LA DACTYLOGRAPHIE. ÉCRITURE À LA MACHINE.

1. L’invention de la machine à écrire a donné naissance à une technique et un art nouveau, la Dactylographie. Elle est encore tous les jours en progrès.[2]

2. La machine a standardisé, unifié le type d’écriture ; elle a permis d’écrire plus vite, et d’obtenir plusieurs copies à la fois.

Dans les concours de dactylographie, le championnat atteint des 20.000 mots en un temps de six heures et de 17.000 mots en 4 heures. On cite un record de 28.944 mots en 7 heures pour un travail dicté.[3]

3. On a créé des variétés de machines à écrire. Pour marquer les colis, on a commencé par opérer à la main ; puis on s’est servi d’alphabets pochoirs. C’était lent et l’erreur était facile. On a maintenant des espèces de grandes machines à écrire qui perforent les lettres de carton (carton huilé) en forme de pochoirs (Idéal-Stencil machine). On applique ensuite le pochoir sur les colis (jusque 2000 fois). La machine peut perforer jusque 150 pochoirs à l’heure.

222.153 LES CARACTÈRES D’IMPRIMERIE.

1. Les caractères ont toute une histoire. Les premiers étaient gravés sur bois. Gutenberg débuta ainsi. Son but était d’imiter le travail des copistes et de vendre le produit de la presse comme étant le fruit d’efforts calligraphiques. Les caractères étaient gothiques (lettres de forme suivi de lettres de somme). Schoepfer eut l’idée de fondre les lettres. Nicolas Jenson grava des caractères reproduisant des capitales romaines et des minuscules empruntés aux écritures latine, française, espagnole, lombarde et caroline dont la forme se rapprochait beaucoup. Puis les caractères se développèrent : Théobalde Manuce (Alde) introduisit les « italiques », Granjon la cursive. Il y eut le Garamond, l’Elzevir, le Didot, le Bodoni, le Baskerville. Le premier livre contenant du grec imprimé est le Lactance du monastère de Subiaco.

Louis Elzevir (Leyde 1595) fut le premier qui distingua l’I et l’Y consonnes des voyelles J et V. Lazare Zetnet (Strasbourg, 1619) introduisit l’U rond et le J, consonne à queue dans les capitales.

2. Il y a une filiation des lettres de la xylographie à la typographie. La classification de la lettre : a) la gothique : 1. la gothique de forme, 2. la gothique de somme, 3. la bâtarde, type de transition : b) la lettre ronde ou Romain : 1. Elzevir, type et forme de transition, 2. Didot : didot type, égyptienne, latine, 3. antique.

Il y a toute une physiologie de la lettre. Le caractère et sa teinte ont une influence sur la compréhension des textes. La lisibilité des caractères est le desideratum suprême.[4]

3. Les types ou caractères d’imprimerie les plus employés sont les suivants : romain, italique (bâtarde), égyptienne (grasse), anglaise, gothique.

La grandeur des caractères d’imprimerie s’appelle corps. Les corps de lettres les plus usités dans les livres sont les suivants : corps, 6, 8, 9, 10, 12.

4. Les exigences de l’ordre, de la rapidité, de la clarté, qui sont celles de la pensée et de l’information moderne, doivent avoir leurs correspondants dans celles de l’imprimerie. Il faut tenir compte des conditions dans lesquelles est le lecteur. Nos nerfs sont mis à dure épreuve. Nos yeux sont très fatigués par suite du mouvement de la rue, du tourbillonnement de la publicité lumineuse et de la

  1. F. Garin : Comment écrire des deux mains. Guide pratique pour les mutilés, les gauchers, les droitiers. Paris, Nathan. — Voir aussi les travaux de Mlle Kipiani.
  2. Code technique de la dactylo. (Revue sténographique belge, 15 avril 1932, p. 99.)
  3. L’art de dactylographier, (Gerard G. L., L’organisation, p. 24.)
  4. Marius Audin : L’Histoire de l’Imprimerie par l’Image.