mes remerciements (ceci s’adressait à la servante). Ouf !… me voilà désaltéré.
Il s’essuya le front de nouveau.
— Eh bien, qu’est-ce ? reprit mon père, qui perdait patience.
— Mon vieil ami, quel vilain siècle que celui où nous vivons ! quel peuple ! quels événements !…
L’explosion éclatante d’un feu de peloton coupa la parole à Thibault, qui tressaillit en joignant les mains.
— Jésus ! Maria !… Tiens, mon ami, voilà, voilà ce qui se passe… des chrétiens, des frères qui s’égorgent entre eux comme des bêtes… altérées de carnage…
— Je ne le sais que trop, dit mon père, mais je ne sais pas encore un mot de ce qui te regarde.
— Voici, dit Thibault, autant que mes esprits troublés pourront retrouver le fil de ces circonstances surprenantes ; j’étais sorti hier dans l’intention de retourner chez Son Excellence le ministre…
— Allons donc, dit mon père, quelle folie ! je t’avais pourtant bien dit…
— Le devoir avant tout, interrompit Thibault, j’étais bien décidé à braver tous les obstacles pour voir Monseigneur ; mais j’avais apporté dans mon plan une modification que tu ne pourras qu’approuver : j’avais choisi l’heure de son dîner.
— Quel dîner ?
— Le dîner du ministre ; je comptais non sans raison sur des circonstances favorables : l’impossibilité de nier la présence de Son Excellence, la bonne humeur où jette naturellement le repas, enfin les soins du service qui pou-