— C’est commode, dit-il, s’il n’y a point à craindre de brûler vif.
La voiture étant prête, on partit.
— On va bon train, disait frère Paul ; nous gagnerons plus tôt la dînée. Je ne vous cache pas, notre oncle, que je me sens de l’appétit.
Après d’autres menus propos on se trouva sur le territoire français, et l’oncle Scipion versa des larmes de joie ; pour frère Paul, il regardait les champs par la portière.
— Mais, dit-il, je vois là des choux qui ne sont point hâtifs pour la saison ; c’est sans doute une seconde cueillette, car on a certainement perfectionné l’agriculture.
— Il est vrai, dit un voyageur, qu’on a inventé de nouvelles charrues, de nouvelles herses, et nombre d’instruments qui généralement ne valent pas les anciens, mais la terre et l’ordre des saisons, voilà ce qu’on ne saurait retoucher ; nos progrès, s’appliquant pour la plupart au commerce, nuisent plutôt à l’agriculture, qui va tantôt manquer de bras. À peu de chose près, nous avons toujours des pluies en mars, des petits pois à la Saint-Jean, du vin en septembre, s’il plaît à Dieu, et quelque morceau de pain noir en tout temps à force de peine.
— Arrêtez ! s’écria frère Paul à la vue d’une auberge ; arrêtez ! cocher du diable, que je mange un morceau !
— Il n’arrêtera point, dit le voyageur.
— Quoi ! pour manger ! c’est sacré, cela.
— Le moyen d’aller vite, si l’on arrêtait selon l’appétit. Il faut aujourd’hui que la diligence aille au train de la poste ; vous ne voyez rien encore des nouveaux moyens de transport.