— Corbleu ! grommela frère Paul, je voudrais qu’on me fît d’abord un nouvel estomac.
Cependant l’oncle Scipion dormait dans son coin.
— Messieurs, disait un Champenois en courant à la portière, messieurs, une bouteille de vin mousseux, rafraîchissez-vous !
— Donne, mon fils, dit frère Paul, et que la paix soit avec toi, qui as pitié des malheureux voyageurs.
Il prit la bouteille et la paya trois francs, la trouvant un peu chère ; il l’offrit d’abord à l’inconnu, qui remercia, puis à l’oncle Scipion, qui n’en dédaigna point quelques gorgées ; puis enfin il l’emboucha tendrement, la haussant et la humant à mesure ; mais le mouvement qu’il fit en levant le bras s’étant combiné avec un cahot de la voiture, il retomba lourdement sur sa banquette et fut rejeté en l’air par une explosion horrifique qui fit paraître comme ces flammes sortant d’entre les basques de son habit.
L’oncle Scipion, saisi d’horreur, se renversa dans le fond de la voiture.
— Vous avez écrasé votre briquet ! s’écria le voyageur.
— Au feu ! au feu ! cocher ! arrêtez ! criait frère Paul.
— Brûlons le pavé, dit le conducteur, il faut que le nouveau service rentre à Paris à six heures un quart.
— Vous n’y ramènerez que des cendres ! disait l’oncle Scipion.
— Le conducteur a raison, reprit le voyageur, on ne peut aller au gré de chacun.
— Le diable vous emporte ! criait frère Paul en éteignant le feu comme il pouvait ; vous mériteriez tous que je vous laissasse griller avec ma culotte.