Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/110

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flétrir par la fièvre tes membres délicats ; préserves-en cette beauté dont je dois jouir ; préserves-en ces traits formés pour embraser mon cœur, et le tendre incarnat qui relève la blancheur de ton teint. Si un ennemi me dispute ta possession, qu’il devienne ce que j’ai coutume d’être, dès que je te sais souffrante. Ton hymen et tes maux me font endurer d’égales tortures, et je ne pourrais dire ce que je désirerais le moins.

Je souffre cependant d’être pour toi une cause de douleur ; et je pense que tu dois tes maux à mon artifice. Oh ! que le parjure de ma maîtresse retombe sur ma tête ; que mon supplice mette la sienne en sûreté ! Pour ne pas ignorer ce que tu fais, je passe et repasse souvent, plein d’une inquiétude que je dissimule, devant le seuil de ta porte. Je m’attache furtivement aux pas d’une suivante ou d’un serviteur, et je leur demande quel bien a fait le somme ou quel bien la nourriture ! Que je suis malheureux de ne pouvoir ni exécuter les ordres des médecins, ni caresser tes mains, ni m’asseoir sur ta couche ! Oui, combien je suis malheureux qu’un autre peut-être, et celui-là même que je voudrais le moins y voir, soit près de toi en mon absence[1] ! C’est lui qui caresse tes mains, qui s’assied à ton chevet, lui que détestent les dieux et moi à l’égal des dieux. Tandis que son doigt interroge les battements de ta veine, souvent, sous ce prétexte, il tient tes bras blancs, presse ton sein, et te donne peut-être des baisers, récompense bien au-dessus du service qu’il te rend.

Qui t’a permis de couper avant moi une moisson qui m’appartient ? Qui t’a frayé un chemin à la haie d’autrui ? Ce sein est à moi ; tu ravis, à ta honte, des baisers qui me sont dus. Éloigne tes mains d’un corps qui me fut promis. Misérable, éloignes-en tes mains ; celle que tu touches est ma fiancée ; si tu persévères dans cette profanation, tu seras un adultère. Choisis un cœur libre, qu’un autre ne puisse revendiquer. Si tu ne le sais point, ce bien a un maître. Ne me crois-tu pas ? Que la formule du pacte soit récitée ; et, pour que tu ne dises pas qu’elle est fausse, fais-la-lui lire à elle-même. Renonce, c’est moi, c’est moi qui te le dis, à une couche étrangère. Que fais-tu ici ? Pars ; ce lit n’est pas libre ; car, si tu as reçu d’une autre bouche une parole, une promesse, ton droit n’est pas pour cela égal au mien. Elle me fut promise par elle-même ; elle te l’a été par son père, le premier après elle ; mais certainement elle est plus que son père pour elle-même. Son père a fait une promesse, et elle un serment à celui qui l’aime ; l’un a pris les hommes en témoignage, l’autre une déesse. Celui-ci craint d’être appelé imposteur ; celle-ci parjure. Ignores-tu maintenant de quel côté est la crainte la plus sérieuse ? Enfin, pour pouvoir comparer les dangers qu’ils courent tous deux, considère

  1. Aconce désigne le prétendant qui avait la parole du père de Cydippe ; voyez la note 1 de cette épître.