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les métamorphoses

dans ses entrailles, s’élève et brise la barrière que le tombeau lui oppose.

Quoique l’amour pût excuser le ressentiment de Clytie, et le ressentiment sa révélation, le père du Jour ne parut plus auprès d’elle, et Vénus cessa de présider à leurs plaisirs. En proie à son amour insensé, la Nymphe dépérit et ne peut plus vivre au milieu de ses compagnes. Exposée aux injures de l’air, elle demeure nuit et jour assise sur la terre, nue comme elle est, et laissant flotter ses cheveux épars. Pendant neuf jours, sans eau, sans nourriture, elle n’alimente son jeûne que de pleurs et de rosée ; immobile sur la terre, elle contemple le dieu qui poursuit sa carrière, et ses regards se tournent incessamment vers lui. Son corps s’attacha, dit-on, à la terre ; une pâleur livide couvrit ses membres changés en une tige sans couleur, et sa tête se cacha sous une fleur mêlée de rouge, et semblable à la violette. Bien qu’enchaînée au sol par sa racine, elle se tourne vers le soleil, et son amour survit à sa métamorphose. »

Elle dit ; et le récit de ces merveilles charme les nymphes qui l’écoutent. Les unes en nient la possibilité, les autres soutiennent que les dieux véritables peuvent tout ; mais Bacchus n’est pas de ce nombre. Bientôt elles font silence ; et, priée de conter à son tour, Alcithoé, tout en promenant la navette sur les mailles de son tissu, commence en ces termes : « Je tairai les amours trop connus du berger du mont Ida, Daphnis(17), transformé en rocher par la colère d’une amante jalouse ; tant l’amour allume de fureur !

Je ne dirai pas non plus comment, par un jeu des lois de la nature, le double Scython(18) passait tour à tour du sexe de l’homme au sexe de la femme.

Et toi, diamant aujourd’hui, nourricier fidèle de Jupiter enfant, ô Celmis(19) ! et vous Curètes(20), nés d’une pluie féconde ; et vous aussi, Crocus et Smilax, changés en deux petites fleurs, je vous passe sous silence. Je veux, mes sœurs, captiver vos esprits par l’attrait de la nouveauté.

Apprenez pourquoi Salmacis(21) est une source infâme, dont l’eau, par une vertu malfaisante, énerve et amollit les membres qu’elle touche. La cause en est cachée, mais l’influence de ces eaux est partout connue. Un enfant, né des amours d’Hermès et d’Aphrodite(22), fut nourri par les Naïades dans les antres du mont Ida. Il était facile de reconnaître à ses traits les auteurs de ses jours : aussi lui donnèrent-ils son nom. À peine avait-il atteint son troisième lustre, il abandonna les monts qui l’avaient vu naître. Loin de l’Ida où il fut élevé, il aimait à errer dans des lieux inconnus, à visiter des fleuves nouveaux, et sa curiosité allégeait les fatigues du voyage. Il parcourt aussi les villes de Lycie, et la Carie qui l’avoisine. Là ses yeux découvrent un lac dont le cristal laissait voir la terre au fond des eaux.