charmes puissants ! D’une main audacieuse il caresse leurs fanons pendants ; il les soumet au joug, et les force à traîner la pesante charrue et à déchirer une terre où le fer n’avait jamais pénétré. Le peuple de la Colchide est immobile de surprise ; et les descendants de Minée animent par leurs cris redoublés le courage du héros. Il tire alors d’un casque d’airain les dents du dragon de Mars(10) et les sème dans les sillons qu’il vient d’ouvrir. Cette semence, trempée auparavant dans un suc magique, s’amollit au sein de la terre, se développe, et ces dents donnent naissance à des hommes nouveaux. Un enfant prend la figure humaine dans les flancs de sa mère ; ses membres y reçoivent un accroissement successif, et il ne se montre pas à la clarté du jour, que sa forme ne soit accomplie ; ainsi, lorsque la terre féconde a formé des hommes dans ses entrailles, ils sortent des guérêts qui les engendrent, et, ce qui doit plus étonner encore, ils brandissent des armes enfantées avec eux. En les voyant prêts à tourner la pointe acérée de leurs javelots contre la tête du jeune Hémonien, les Grecs tremblants et consternés baissent leurs fronts vers la terre ; Médée elle-même tremble pour celui qu’elle avait rendu invulnérable : à la vue du héros, seul en butte aux coups de tant d’ennemis, elle pâlit ; tout à coup ses genoux fléchissent, et le sang s’arrête dans ses veines ; craignant encore que les herbes dont elle l’a pourvu ne soient insuffisantes, elle appelle à son aide de magiques invocations, fait agir tous les secrets de son art. Jason lance une pierre énorme au milieu de ses ennemis, détourne loin de lui la guerre et l’allume dans leurs rangs. Ces frères, que la terre enfanta, se donnent mutuellement la mort et succombent, moissonnés par une guerre impie. Les Grecs, transportés de joie, entourent le vainqueur, et le serrent avidement dans leurs bras : et toi aussi, tu voudrais l’embrasser, vierge de ces barbares contrées. La pudeur arrête tes transports : oh ! comme tu l’aurais pressé sur ton sein, si le soin de ton honneur n’avait réprimé tes désirs ! Du moins, il est permis à ton amour de se réjouir en silence ; tu rends grâces à tes enchantements, et aux dieux qui les ont secondés.
Il lui fallait assoupir, par la vertu des herbes, le dragon vigilant, armé d’une aigrette, d’une triple langue et de dents recourbées, monstre hideux qui veille sur la Toison d’Or. Il répand sur lui des sucs soporifiques, et prononce trois fois les paroles qui produisent le sommeil, apaisent la mer en courroux et arrêtent dans leur cours les fleuves rapides. Un sommeil inconnu se glisse dans les yeux du monstre, et le héros s’empare de la Toison d’Or ; fier de sa dépouille, il emporte avec lui celle qui l’a fait triompher, et, ramenant en triomphe cette autre conquête, il rentre avec son épouse dans le port d’Iolcos.
II. Les mères d’Hémonie et les pères courbés par l’âge, heureux du retour de leurs enfants,