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les métamorphoses

» À l’instant tout s’ébranle dans la salle du festin ; les tables roulent renversées ; Eurytus saisit par sa chevelure Hippodamie, et l’entraîne. Chaque Centaure enlève la femme qui lui plaît, ou qu’il trouve à sa portée ; la caverne présente l’image d’une ville prise d’assaut ; l’écho répète les cris des femmes éplorées. Aussitôt nous nous levons tous, et le premier : « Quelle fureur t’entraîne, Eurytus ? s’écrie Thésée ; quoi ! tu oses outrager Pirithoüs en ma présence ! Tu ne sais donc pas que c’est m’outrager moi-même ? » Il dit, et l’effet suit ses paroles. Le héros écarte tout ce qui s’oppose à son bras, et arrache Hippodamie des mains de ses farouches ravisseurs. Eurytus reste muet ; ce n’est pas avec des paroles qu’il peut répondre à de pareilles actions : il frappe de ses mains le visage de Thésée et sa forte poitrine. Près de là était une coupe antique aux vastes flancs ; la main vigoureuse du fils d’Égée la soulève et la lance contre le visage du Centaure. Eurytus, par sa blessure et par sa bouche, vomit sa cervelle broyée au milieu de flots de sang et de vin ; il tombe sur l’arène rougie, et, de son pied, bat convulsivement la terre. À cette vue, ses compagnons, enflammés de colère, s’écrient tous d’une voix : « Des armes ! des armes ! » Le vin échauffe le courage ; de tous côtés volent les coupes, et les outres fragiles, et les vases du festin, tout à l’heure armes du plaisir, maintenant instruments de carnage.

» Le premier, le fils d’Ophionée, Amycus, ne craint pas de dépouiller l’autel domestique de ses sacrés ornements ; il saisit un lourd flambeau, l’élève, et comme un sacrificateur qui frappe de la hache le cou d’un blanc taureau, il brise la tête de Céladon ; les os fracassés du Lapithe se confondent sur son visage, devenu méconnaissable ; ses yeux sont sortis de leur orbite, et les os de son nez, repoussés en arrière, se sont fixés dans son palais. Le Macédonien Bélatès arrache le pied d’une table, et en frappe le Centaure vainqueur ; Amycus tombe ; son menton fracassé pend sur sa poitrine ; il vomit ses dents brisées, au milieu des flots d’un sang noir, et les coups redoublés du Lapithe le précipitent dans le sombre Tartare. Présent à ce spectacle, Grynée jette un regard affreux sur l’autel, qui fume encore : « Pourquoi, s’écrie-t-il, ne me servirais-je pas de ces armes ? » Il dit, soulève l’énorme autel tout chargé de ses feux, et le lance au milieu des Lapithes. Deux d’entre eux sont écrasés par l’effroyable choc, Brotéas et Orion ; Orion, dont la mère, Mycale, força plus d’une fois, par ses chants magiques, la Lune à descendre sur la terre. « Que seulement je trouve une arme, et tu seras puni ! » s’écrie Exadius. Il aperçoit, sur un pin élevé, le bois d’un cerf consacré à Diane ; il le