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Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/492

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à Polydamas, à Hector lui-même ? Qui pourrait louer un ennemi ?

» Ton père renversa jadis les remparts de Messène ; il détruisit Élis et Pylos, qui n’avaient point mérité sa colère ; il porta le fer et le feu jusque dans mes pénates, et, pour taire le reste, nous étions douze enfants de Nélée(9), espoir d’une illustre famille : tous les douze, hormis un seul, et c’était moi, tombèrent sous les coups d’Hercule. Dix d’entre eux périrent, sans qu’on pût s’en étonner, sous l’effort de son bras. Mais la mort de Périclymène fut un sujet d’étonnement. Neptune auteur de notre race lui avait accordé le pouvoir de prendre, de quitter de reprendre tour à tour toutes les formes qu’il voudrait choisir.

» Déjà, sous mille figures différentes, il avait combattu sans succès contre Alcide : il prend la forme de l’oiseau sacré, cher au maître des dieux, et dont la serre recourbée porte la foudre. De ses ailes, de son bec crochu comme le hameçon, de ses ongles tranchants, il déchire le visage du héros. Hercule alors tend son arc, hélas ! trop sûr, et au milieu des nues, frappe l’oiseau qui plane suspendu sur sa tête ; il l’atteint à l’endroit où l’aile s’attache aux flancs ; la blessure est légère, mais les nerfs rompus se relâchent, se refusent au mouvement. Ses ailes appesanties ne peuvent plus embrasser les airs, il tombe, et le trait à peine fixé dans l’aile, pressé par le poids du corps, s’enfonce dans les flancs et ressort par le gosier. Maintenant, chef illustre des Rhodiens, juge si je dois des éloges aux exploits de ton père. Mais ce n’est qu’en taisant les grandes actions d’Hercule que je veux venger mes frères ; Tlépolème sera toujours cher à Nestor. »

Ainsi parle l’éloquent vieillard. Une fois encore on verse les doux présents de Bacchus ; on se lève de table, et le reste de la nuit est donné au sommeil.

V. Cependant le dieu dont le trident régit les flots gémit, dans son cœur paternel, sur le sort de Cycnus changé en oiseau : il a conçu pour Achille une haine implacable. Déjà près de dix ans se sont écoulés depuis le commencement du siège, lorsque Neptune adresse ces paroles au dieu qu’on adore à Smynthée :

« Ô toi, le plus cher de tous les fils de mon frère, toi dont le bras aida le mien à élever ces murs désormais impuissants, ne gémis-tu pas en secret de voir ces tours près de s’écrouler, et ces milliers de héros égorgés pour avoir voulu les défendre ? Et pour taire le reste, ne te semble-t-il pas voir apparaître l’ombre d’Hector, traîné autour de ses remparts ? Cependant le féroce Achille, Achille le destructeur de notre ouvrage, Achille plus cruel que la guerre elle-même, Achille vit encore ! Qu’il s’offre à moi, et je veux qu’il éprouve ce que peut ce trident. Mais plutôt, puisqu’il ne nous est pas