Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/526

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de vifs reproches à Acmon ; il veut répondre, mais son gosier se resserre, et sa voix n’a plus de force ; ses cheveux se changent en plumes ; des plumes couvrent son cou, sa poitrine et son dos ; d’autres, plus grandes, s’attachent à ses bras, et en forment deux ailes aux doux contours ; la peau des pieds envahit l’intervalle des doigts ; sa bouche devient dure comme la corne et se termine en pointe. Lycus, Idas, Nyctée, Rethénor, Abas admirent ce prodige, et pendant qu’ils l’admirent, ils prennent à leur tour la même figure ; et cent autres avec eux, qui s’envolent et battent des ailes autour de mes vaisseaux. Ces oiseaux, si subitement créés, se rapprochaient du cygne par la forme et par la blancheur du plumage. Pour moi, avec le peu de Grecs qui me restaient, à peine ai-je pu parvenir sur ces bords, où Daunus m’a cédé, avec la main de sa fille, une partie des terres arides de l’Apulie. »

V. Vénulus quitte les états de Diomède(13), les rivages du Peucétium, et les campagnes de la Messapie, où il visite en passant un antre, couronné d’un épais ombrage, et dont les parois sont toujours humides d’une espèce de rosée. Pan, aux cornes et aux pieds de bouc, l’habite aujourd’hui : c’était jadis la retraite des nymphes. Un jour, surprises dans cette grotte par le berger Appulus, elles avaient fui par un premier mouvement de terreur. Bientôt remises de leur effroi, honteuses de fuir devant un pâtre, elles forment à ses yeux des danses légères, où leurs pieds se meuvent en cadence. Mais Appulus se moque d’elles ; il contrefait, par des sauts grotesques, leurs mouvements gracieux ; il les poursuit de sales et grossières injures. Pour le faire taire, il faut que l’écorce d’un arbre vienne lui fermer la bouche. On peut reconnaître encore dans cet arbre la nature et les goûts d’Appulus ; c’est l’olivier sauvage aux baves amères comme ses paroles : toute l’âpreté de sa langue a passé en elles.

VI. Les ambassadeurs de Turnus lui apportent le refus de Diomède ; mais les Rutules, privés de ce puissant auxiliaire, n’en poursuivent pas moins la guerre avec fureur ; le sang des deux partis coule par torrents. Turnus porte la flamme avide sur la flotte des Troyens : le feu menace les vaisseaux que l’onde a épargnés. Déjà il dévorait le bitume, la cire, toutes les matières qui pouvaient le nourrir ; déjà la flamme courait le long des mâts, les voiles étaient en feu, les bancs des rameurs commençaient à fumer. Mais la mère vénérée des dieux, Cybèle, se souvient que les vaisseaux d’Énée sont construits avec les pins de l’Ida : au bruit retentissant des cymbales, aux sons plus graves de la flûte de Phrygie, elle vole dans les airs sur son char attelé de lions. « C’est en vain, s’écrie-t-elle, c’est en vain, ô Turnus, que ta main sacrilège lance la flamme sur ces navires ; je les sauverai ; je ne laisserai pas le feu dévorer les fils de mes forêts. » Elle dit, et le tonnerre gronde, les nuages versent des