Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/263

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des Syrènes[1] : Faites force de rames et mettez toutes les voiles au vent. Cessez, je vous le conseille encore, de traiter en ennemi le rival qui vous cause des chagrins si vifs. Saluez-le du moins, quoique vous le haïssiez toujours ; mais si vous pouvez l'embrasser vous êtes sauvé.

Maintenant, pour remplir envers vous toutes les obligations d'un bon médecin, je vais vous indiquer les mets que vous devez prendre, et ceux dont vous devez vous abstenir. Toute plante bulbeuse, qu'elle vienne de la Daunie[2], ou des rivages d'Afrique, ou de Mégare, est également nuisible. Abstenez-vous sagement de la roquette stimulante, et de tout ce qui nous porte aux plaisirs de l'amour. Vous emploierez avec avantage la rue qui donne aux yeux de l'éclat et qui éteint en nous le feu des désirs. Vous me demandez ce que je vous prescris à l'égard du vin ? Je vais vous satisfaire plus promptement que vous ne l'espérez. Le vin dispose à l'amour, à moins qu'on ne le boive sans modération, car alors il anéantit les facultés de l'esprit.

Le vent alimente le feu, il peut aussi l'éteindre. Léger, il entretient la flamme ; trop violent, il l'étouffe. Point d'ivresse donc, ou bien qu'elle soit assez complète pour vous faire oublier tous vos succès. Dans un cas pareil, un milieu raisonnable vous serait nuisible.

Je suis au bout de ma carrière ; ornez de guirlandes de fleurs ma nef fatiguée. Je touche enfin le port où je voulais aborder. Amants et maîtresses que ma muse a guéris, un jour, vous rendrez à votre poète de pieuses actions de grâces.


Notes

  1. Lotophagos... sirenas. Les Lotophages étaient un peuple qui habitait les îles de Zerbi, sur la côte d'Afrique. Ils étaient ainsi nommés parce qu'ils faisaient leur nourriture des fruits d'un arbre appelé Lotos. Au reste, on ne trouve dans ces îles, dont l'une est appelée Meninx ou Lotophagitis par Strabon, ni fruits ni arbre, ni verdure. Homère raconte, dans l'Odyssée, que les compagnons d'Ulysse, ayant goûté des fruits du Lotos les trouvèrent si délicieux qu'ils leur firent oublier leur patrie. - Pour les sirènes, voyez Art d'aimer, livre III, v. 314.
  2. Daunius. La Daunie apulienne était une province de l'Italie, d'où l'on tirait beaucoup de plantes bulbeuses, ainsi que de Mégare, ville de l'Attique, et des rivages de l'Afrique.