Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/568

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en te l'apprenant, je t'apprendrai quel est mon pouvoir. Tout ce que tes yeux embrassent, les cieux, l'Océan, les nuages et la terre, c'est à ma main qu'il est donné de les fermer ou de les ouvrir; c'est à moi qu'on a confié la garde de cet univers immense; [1, 120] c'est moi qui le fais tourner sur ses gonds. Si je permets à la Paix de sortir de mon temple, asile où elle sommeille, les chemins s'aplanissent devant elle, et elle y marche en liberté; et, si je cesse de retenir la guerre sous d'inébranlables verrous, le monde est bouleversé, inondé de carnage. [1, 125] Je veille aux portes du ciel avec l'aimable cortège des Heures; Jupiter ne peut entrer ni sortir sans moi: c'est pour cela qu'on m'appelle Janus. Lorsque le prêtre dépose sur mes autels le gâteau fait avec les dons de Cérès, et le froment mêlé de sel, les noms sous lesquels il m'invoque pendant le sacrifice te feront sourire: tantôt c'est Patulcius, et [1, 130] tantôt Clusius, deux désignations qu'imagina la naïve antiquité pour correspondre à mes divers mystères. Tu connais ma puissance; je t'expliquerai maintenant ma figure, quoique déjà elle ne soit plus une énigme pour toi. [1, 135] Toute porte a deux faces, dont l'une regarde la rue et l'autre le lare domestique; assis près du seuil de vos maisons, le portier voit entrer et sortir: portier de l'habitation des dieux, [1, 140] j'ai les yeux à la fois sur l'orient et sur l'occident; le visage d'Hécate fait face à trois côtés pour veiller sur les trois voies qui divisent nos carrefours; de même, de peur qu'en tournant la tête je ne perde des moments précieux, il m'a été donné de voir sans bouger, en même temps, et devant et derrière".

[1, 145] Il se tut, et ses traits me disaient que, si je lui adressais de nouvelles demandes, il ne refuserait pas de me satisfaire; enhardi, et délivré de ma première frayeur, je lui rendis grâces, et je prononçai ce peu de mots les yeux baissés vers la terre: "Dites-moi, ô Janus, pourquoi l'année s'ouvre par l'hiver, [1, 150] quand il serait si naturel qu'elle recommençât avec le printemps. Alors tout fleurit; c'est partout comme un autre âge qui s'annonce: le bourgeon se hâte d'éclore sur le sarment gonflé de sève; l'arbre cache sa nudité sous son nouveau feuillage; le grain germe et l'herbe s'élève jusqu'à la hauteur des sillons; [1, 155] l'air attiédi résonne du chant des oiseaux; les troupeaux bondissent dans la prairie. Alors le soleil est bienfaisant, l'hirondelle se montre après une longue absence, et façonne son nid d'argile sous la poutre de nos toits; alors le sol est rendu à la culture, et se renouvelle sous la charrue. [1, 160] Comment ne pas reconnaître à tous ces signes la véritable renaissance de l'année?" À ma longue question le dieu fit sans délai cette brève réponse: "C'est en hiver que le soleil commence et achève son