Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/580

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et s'y engraissent à loisir, jusqu'à ce que la tiède haleine du printemps ramène leurs travaux. [1, 665] Que le villageois suspende au poteau sa charrue fatiguée; la terre n'aime pas à être blessée, tant que règne l'hiver. Une fois les semailles finies, laisse reposer ton champ, ô laboureur; laisse reposer les bras qui l'ont cultivé; que ce soit fête au village; habitants, purifiez vos maisons, [1, 670] présentez aux divinités rustiques les gâteaux annuels. Offrez à Tellus et à Cérès, ces mères des moissons, un peu de froment, que vous leur devez, et les entrailles d'une truie pleine. Cérès et la Terre président en commun à l'agriculture. Si l'une reçoit les germes dans son sein, l'autre les féconde. [1, 675] O puissantes déesses, dont les efforts réunis ont chassé l'antique barbarie et proscrit le gland du chêne, pour y substituer une plus douce nourriture, comblez de vos dons sans mesure l'insatiable laboureur, afin qu'une digne récompense le paie de ses sueurs. Veillez à ce que la tendre semence ne cesse de croître, [1, 680] à ce que l'herbe naissante ne soit pas surprise par le froid mortel des neiges. Lorsque nous semons, ouvrez le ciel aux vents qui le purifient; lorsque la semence est déposée dans les sillons, arrosez-la d'une pluie bienfaisante. Protégez les champs couverts de vos trésors contre ces nuées d'oiseaux pillards, fléau des guérets. [1, 685] Et vous, fourmis, épargnez le grain que recouvre la terre; après la récolte vos provisions n'en seront que plus amples. Que la moisson cependant croisse, respectée de la rouille rongeante, et que d'ardentes exhalaisons ne fassent point pâlir ses teintes dorées; qu'elle ne périsse pas de maigreur, [1, 690] et ne s'étouffe pas non plus sous le luxe d'épis trop abondants. Que l'ivraie, qui blesse la vue, ne se montre jamais dans nos plaines; que la stérile coquiole ne se lève jamais dans nos sillons; que les champs rendent avec usure le froment, l'orge et la farine, qui doit subir deux fois l'épreuve du feu. [1, 695] Tels sont nos souhaits, tels sont les vôtres, ô laboureurs; puissent-ils être exaucés de l'une et de l'autre déesse !

Longtemps la guerre occupa les humains; leur main ne savait plus tenir que l'épée, et le taureau qui traîne la charrue était dédaigné pour le coursier belliqueux. Les sarcloirs se reposaient, les hoyaux se transformaient en glaives, [1, 700] et le soc pesant servait à forger un casque. Rendons-en grâces aux dieux et à votre maison: voici que nous tenons enfin sous nos pieds le démon de la guerre, enchaîné de liens tout puissants. Que le boeuf se remette sous le joug; que la terre s'entrouvre et reçoive la semence. La Paix nourrit Cérès; Cérès est fille de la Paix.

[1, 705] Le sixième jour qui précède les Calendes, un temple fut dédié aux fils de Léda, et consacré à ces deux frères immortels, par deux frères issus du sang des dieux, près du lac Juturne.