Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/688

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
664
OVIDE.

départ ; si d’ailleurs je te chargeais de tout ce qui oppresse mon âme, tu deviendrais toi-même un fardeau trop lourd à transporter ; le voyage est long ! hâte-toi donc. Pour moi, je resterai confiné aux extrémités du monde, sur une terre bien éloignée de celle qui m’a vu naître !

ÉLÉGIE II.

Dieux de la mer et du ciel (car il ne me reste plus maintenant qu’à faire des vœux !), n’achevez pas de mettre en pièces ce navire, déjà si maltraité, et ne vous associez pas à la vengeance du grand César. Souvent un dieu protège ceux qu’un autre persécute. Si Vulcain prit parti contre Troie, Apollon se déclara pour elle. Vénus favorisa les Troyens, quand Pallas leur était contraire ; Junon, si propice à Turnus, haïssait Énée, mais celui-ci était en sûreté sous la sauvegarde de Vénus ; souvent Neptune en courroux a attaqué le prudent Ulysse, et souvent Minerve le déroba aux coups du frère de son père. Et nous aussi, malgré la distance qui nous sépare de ces héros, qui empêche qu’une divinité ne nous protège contre les agressions d’une autre divinité ? Mais, infortuné que je suis ! mes vœux impuissants se perdent dans les airs ! d’énormes vagues couvrent la bouche qui les profère. L’impétueux Notus disperse mes paroles et ne permet pas d’arriver jusqu’aux dieux les prières que je leur adresse. Ainsi les mêmes vents, comme si c’était trop peu pour moi d’un seul dommage, emportent je ne sais où et mes voiles et mes vœux !

Ô malheur ! quelles vastes montagnes d’eau roulent les unes sur les autres et semblent vouloir s’élancer jusqu’au ciel ! Quelles vallées profondes , quand les flots s’abaissent, s’entr’ouvrent sous nos pieds, et semblent toucher au sombre Tartare ; de quelque côté que se portent les regards, partout la mer et le ciel, l’une grosse de vagues amoncelées, l’autre de nuages menaçants. Au milieu de ces deux éléments, les vents se déchaînent en tourbillons furieux. La mer ne sait à quel maître obéir : tantôt c’est l’Eurus qui s’élance de l’orient embrasé ; tantôt le Zéphyr qui souffle de l’occident ; tantôt le froid Borée accourt avec furie de l’aride septentrion (1), et tantôt le Notus vient le combattre en l’attaquant de front. Le pilote éperdu ne sait plus quelle route éviter ou suivre ; dans cette affreuse perplexité, son art même est frappé d’impuissance.

Ainsi donc nous mourons ! plus d’espoir de salut qui ne soit chimérique ! Pendant que je parle, la vague inonde mon visage ; elle m’ôte la respiration, et ma bouche, ouverte en vain pour implorer l’assistance des dieux, se remplit d’une onde homicide.


Plura quidem mandare tibi, si qusris, habebain ;
Sed vereor tardæ causa fuisse moræ.
Quod si quæ subeuut tecum , liber , omnia ferres ;
Sarcina laturo magna futurus eras.
Longa via est ; propera nobis : habitabitur orbis
Ultimus, a terra terra remota mea.

ELEGIA II.

Di maris et cœli (quid enim nisi vota supersunt ?
Solvere quassats parcite membre ratis :
Neve, precor, magni subscribite Cæsarisirs ;
Sspe premente deo fert deus alter opem.
Mulciber inTrojam, pro Troja stabat A polio :
Æqua Venus Teucris, Pallas iniqua fuit.
ÜderatÆnean, propior Saturnia Turno :
Ille tamen Veneris numine tutus erat.
Sæpe ferox cautum petiit Neptunus Ulyssein :
Êripuit patruo sæpe Minerva suo.
Etnobisaliquod, quamvis distamus ab illis,
Quid velat irato n uni en adessc deo ?
Verba miser frustra non proficientia perdo :
Ipsa graves spargunt ora loquentis aquæ :
Terribilisque Notas jaclat mea dicta : precesque
Ad quos mittuntur non sinit ire deos.
Ergo idem venti, ne causa lædar in una,
Velaque nescio quo , votaque nostra feront1
Me miserum I quanti montes volvuntur aquarom !
Jam jam tacturos sidera summa putes.
Quantæ diducto subsidunt asquore va lies 1
Jam jam tacturas Tartara nigra putes.
Quocumque adspicias, nibil est nisi pontus eiaer,
Pluctibus hic tumidis, nubibus ille minax.
Inter utrumque fremunt immani turbine venti :
Nescit, cui domino pareat, unda maris.
Nam modo purpureovires capit Euros abortu :
Nunc Zepfayrus sero vespere missus adest :
Nunc gelidus sicca Boreas baccbatur ab Arcto :
Nunc Notus adverse prælia fronte gerit.
Hector in incerto est : nec quid fugiatve petatve
In venit : ambiguis ars stupet ipsa malis.
Scilicet occidimus, nec spes nisi vana salutis :
Dumque loquor, vultus obruitunda meos.
Opprime ! banc animam fluctus, frustraque precanti
Ore necaturas accipiemus aquas.
At pia nil aliud quam me dolet exsuie conjux : 57