Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/823

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des poètes ne sont point menteurs. Donnons à Jupiter un second laurier, quand le premier est vert encore. Relégué sur les bords du Danube et des fleuves où le Gète, ennemi de la paix, se désaltère, ce n’est pas moi qui te parle. Ma voix est la voix d’un dieu, d’un dieu qui m’inspire et qui m’ordonne de rendre ses oracles. Que tardes-tu, Livie, à préparer la pompe et le char des triomphes ? Déjà la guerre engagée ne te permet plus de différer. La perfide Germanie jette les armes qu’elle maudit. Bientôt tu connaîtras la vérité de mes présages. Bientôt, crois-moi, ils se réaliseront. Pour la seconde fois, ton fils recevra les honneurs du triomphe, et reparaîtra sur le char qui le porta naguère. Prépare le manteau de pourpre dont tu couvriras ses épaules glorieuses, et la couronne peut déjà reconnaître cette tête dont elle est l’habituel ornement. Que les boucliers et les casques étincellent d’or et de pierreries ! Qu’au-dessus des guerriers enchaînés s’élèvent des armes en trophées ! Que les images des villes, sculptées d’ivoire, y apparaissent ceintes de leurs remparts, et qu’à la vue de ces images nous croyions voir la réalité ! Que le Rhin, en deuil et les cheveux souillés par la fange de ses roseaux brisés, roule ses eaux ensanglantées ! Déjà les rois captifs réclament leurs insignes barbares et leurs tissus, plus riches que leur fortune présente. Prépare enfin cette pompe dont la valeur des tiens a si souvent exigé le tribut, et qu’elle exigera plus d’une fois encore. Dieux qui m’ordonnâtes de dévoiler l’avenir, faites que bientôt l’événement justifie mes paroles !


LETTRE V

À MAXIME COTTA

Tu te demandes d’où vient la lettre que tu lis. Elle vient du pays où l’lster se jette dans les flots azurés des mers. À cet indice, tu dois te rappeler l’auteur de la lettre, Ovide, le poète victime de son génie. Ces vœux, qu’il aimerait mieux t’apporter lui-même, il te les envoie, Cotta, de chez les Gètes farouches. J’ai lu, digne héritier de l’éloquence de ton frère, j’ai lu le brillant discours que tu as prononcé dans le forum. Quoique, même pour le lire assez vite, j’aie passé bien des heures, je me plains de sa brièveté, mais j’y ai suppléé par des lectures multipliées, qui toutes m’ont causé le même plaisir. Un écrit, qui ne perd rien de son charme à être lu tant de fois, a son mérite dans sa valeur propre, et non dans sa nouveauté. Heureux ceux qui ont pu assister à ton débit, et entendre ta voix éloquente ! En effet, quelque délicieuse que soit l’eau qu’on nous sert, il est plus agréable de la boire