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ORNEMENTS MAURESQUES.

donnaient naissance, ces inscriptions répétaient les mots, Regardez et apprenez. Au peuple, elles proclamaient la puissance, la majesté et les bonnes actions du roi. Au roi-même, elles déclaraient sans cesse qu’il n’y a de puissant que Dieu, que Lui seul est le conquérant, et qu’à Lui seul reviennent en toute éternité les louanges et la gloire.

Ceux qui ont construit cet édifice merveilleux, comprenaient bien toute la grandeur de leur œuvre ; et ils n’ont pas hésité de proclamer dans les inscriptions qui ornent les murs, que ce bâtiment surpassait tous les autres bâtiments ; — qu’à la vue de ses dômes tous les autres s’évanouirent et disparurent ; et, lâchant la bride à l’exagération enjouée de leur poésie, ils parlèrent des étoiles qui palissaient d’envie à la vue de tant de beauté ; mais ce qui nous regarde de plus près, c’est leur déclaration, que ceux qui en feront une étude attentive, en recueilleront l’avantage d’un commentaire sur la décoration.

Nous avons cherché à obéir aux injonctions du poète, et nous essayerons d’expliquer quelques-uns des principes généraux, qui paraissent avoir guidé les Maures dans la décoration de l’Alhambra — principes qui n’appartiennent point exclusivement à leur époque, mais qui étaient communs à toutes les meilleures périodes de l’art : Les principes sont les mêmes partout ; la différence n’existe que dans la forme.

1.[1] Les Maures se conformaient toujours à cette loi, que nous considérons comme le premier principe dans l’architecture — de décorer la construction et de ne jamais construire la décoration. Non seulement la décoration de l’architecture mauresque naît naturellement de la construction, mais l’idée de la construction est soutenue dans chaque détail de l’ornementation de la surface.

Nous croyons que la vraie beauté dans l’architecture, résulte de ce "repos que ressent l’âme lorsque la vue, l’intelligence, et les affections sont satisfaites.", Si un objet est construit faussement, ayant l’apparence de dériver (obtenir) du support ou d’en donner, mais ne faisant ni l’un ni l’autre ; il ne peut fournir ce repos, et par conséquent il ne saurait jamais avancer aucune prétention à la vraie beauté, quelque harmonieux qu’il soit en lui-même. Les races mahométanes, et les Maures surtout, n’ont jamais perdu de vue cette règle ; chez eux on ne trouve jamais d’ornements inutiles ou superflus : chaque ornement naît paisiblement et naturellement de la surface décorée. Ils regardent toujours l’utile comme le véhicule du beau ; et ils ne sont pas les seuls à suivre ce principe, qui a toujours été observé dans toutes les meilleures périodes de l’art ; ce n’est que lorsque l’art tombe en décadence, que les principes vrais sont négligés ; ou bien encore, dans une époque comme la nôtre, où l’on ne s’évertue qu’à copier et à reproduire les œuvres du passé, dépourvues de l’esprit qui a animé les originaux.

2. Toutes les lignes naissent les unes des autres en ondulations graduées ; il n’y a point d’excroissances ; on ne saurait rien ôter sans nuire à la beauté de la composition. Dans l’acceptation générale du terme, il ne saurait y avoir d’excroissances, si la construction est bien soignée ; mais nous prenons le mot ici dans un sens plus limité : les lignes générales pourraient bien s’élancer en rapport avec la construction, et pourtant il pourrait y avoir des excroissances, telles que boutons ou bosses, lesquelles, sans violer les règles de la construction, détruiraient la beauté de la forme, si elles ne naissaient pas graduellement des lignes générales.

Il ne peut y avoir ni beauté de forme, ni proportion, ni arrangement parfait des lignes, là où manque le repos.

Toutes les transitions de lignes courbes à lignes courbes, ou de lignes droites à lignes courbes, doivent être graduelles ; ainsi la transition cesserait d’être agréable, si la brisure A était trop profondeen proportion des courbes, comme cela arrive à B. Partout où deux courbes sont séparées par une ligne d’interruption, il faut qu’elles courent, comme elles le font toujours dans les œuvres des Maures, parallèlement à une ligne imaginaire (c) à l’endroit

  1. Cet essai sur les principes généraux de l’ornementation de l’Alhambra est réimprimé, en partie, du « Guide Book to the Albambra Court in the Crystal Palace, » par l’auteur de cet ouvrage.
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