Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/93

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« Nous étions alors, disait-il, envahis par un déluge de doctrines philosophiques et hétérodoxes qui s’agitaient autour de nous, et nous éprouvions le désir et le besoin de fortifier notre foi au milieu des assauts que lui livraient les systèmes divers de la fausse science. Quelques-uns de nos jeunes compagnons d’étude étaient matérialistes ; quelques-un. saint-simoniens d’autres, fouriéristes d’autres encore, déistes. Lorsque nous, catholiques, nous nous efforcions de rappeler a ces frères égarés les merveilles du christianisme, ils nous disaient tous « Vous avez raison si vous parlez du passé le christianisme a fait autrefois des prodiges mais aujourd’hui « le christianisme est mort. Et, en effet, vous qui vous vantez « d’être catholiques, que faites-vous ? Où sont les œuvres qui « démontrent votre foi et qui peuvent nous la faire respecter « et admettre ? » Ils avaient raison : ce reproche n’était que trop mérité. Ce fut alors que nous nous dîmes : Eh bien, à l’œuvre ! et que nos actes soient d’accord avec notre foi. Mais que faire ? Que faire pour être vraiment catholiques, sinon ce qui plaît le plus à Dieu ? Secourons donc notre prochain, comme le faisait Jésus-Christ, et mettons notre foi sous la protection de la charité.

« Nous nous réunîmes tous les huit dans cette pensée, et d’abord même, comme jaloux de notre trésor, nous ne voulions pas ouvrir à d’autres les portes de notre réunion. Mais Dieu en avait décidé autrement. L’association peu nombreuse d’amis intimes que nous avions rêvée devenait, dans ses desseins, le noyau d’une immense famille de frères, qui se devait répandre Sur une grande partie de l’Europe. Vous voyez que nous ne pouvons pas nous donner véritablement le titre de fondateurs : c’est Dieu qui a voulu et qui a fondé notre société ! « Je me rappelle que, dans le principe, un de mes bons amis, abusé un moment par les théories saint-simoniennes, me disait avec un sentiment de compassion « Mais qu’espérez-vous donc faire ? Vous êtes huit pauvres jeunes gens, « et vous avez la prétention de secourir les misères qui pullulent dans une ville comme Paris! Et, quand vous seriez « encore tant et tant, vous ne feriez toujours pas grand’chose !