Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/150

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cipe fécond qui fait mon art, j’enfante au dedans de moi un tableau, une statue, un édifice qui, dans sa simplicité, est la forme, le modèle immatériel de ce que j’exécuterai. J’aime ce dessein, cette idée, ce fils de mon esprit fécond et de mon art inventif. L’amour qui me fait aimer cette production est aussi beau qu’elle. » Ainsi pensait ce grand artiste chrétien. Il aimait, lui aussi, son idée, et cet amour divin est la condition de toute grandeur… L’artiste qui ne croit pas peut négliger le caprice de son imagination, comme autrefois ces païens qui exposaient leurs enfants ; mais, comme un père reçoit l’enfant que Dieu lui envoie ainsi qu’un ange dont il est dépositaire et responsable, de même le chrétien doit recevoir l’inspiration qui lui est venue, la nourrir de son travail, l’environner de ses soins, et la produire au dehors, en sorte qu’elle soit respectable et aimable devant les hommes. Pour lui, l’inspiration a un nom sacré : elle s’appelle grâce… Et c’est ce respect pour la pensée venue d’en haut qui fait la conscience de l’art chrétien : c’est Dieu qu’il honore en soi… Voyez les cathédrales gothiques : pourquoi, à ces hauteurs que l’œil n’atteint pas et que le voyageur ne visitera point, ces statuettes travaillées avec patience dans leurs plus minutieux détails ? A ces labeurs, je reconnais le dévouement qui s’oublie, ie reconnais une passion du beau désintéressée, et par conséquent sainte.