Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/236

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la plus généreuse des religions, en est aussi la plus sensée, et qu’il ne se montre pas plus divin pour avoir pénétré dans l’immensité de Dieu que pour avoir connu les limites de l’homme.

L’empire romain périt ; mais tel est le pouvoir des idées, que même les fausses durent plus que les empires, et l’erreur des gnostiques se perpétua dans la secte manichéenne, qui, longtemps refoulée au fond de l’Orient, déborda au moyen âge et couvrit toute l’Europe occidentale sous les noms divers de Cathares, de Patarins et d’Albigeois. Au premier aspect, rien ne semble moins flatteur pour les passions humaines que cette hérésie antique inspirée des trois religions de Bouddha, de Zoroastre et du Christ. Entre un Dieu souverainement pur, auteur de la lumière et des esprits, et le principe mauvais, créateur de la matière et des ténèbres, s’agitent les âmes dont toute la destinée est de s’affranchir des liens matériels, pour remonter à Dieu par une suite d’expiations dans la vie présente, ou par les degrés de la métempsycose dans une vie ultérieure. Tout l’effort de la loi manichéenne sera donc de rompre les liens qui enchaînent ses disciples à la chair souillée et à la terre maudite : elle condamne la famille et la propriété. Mais il est dangereux de désespérer la nature par un anathème sans rémission, et toute doctrine qui, après l’avoir trouvé déchue, ne la relève pas, la précipite. Comme le manichéisme ne connaissait pas d’autre crime que de