mit le reste de côté avec les cent francs qui lui restaient.
Il allait falloir acheter des sabots, quelques hardes, deux sacs de pommes de terre, des haricots et un petit morceau de viande qu’on salerait pour les jours de fête. Delphine pensa : si tout va bien, il me restera encore plus de deux cents francs pour passer mon année ; au beau temps, la petite marchera ; je pourrai travailler, et je tâcherai d’en rogner un peu.
— Séverin, dit-elle tout haut, nous prendrons une terre.
Lui, qui achevait de s’habiller, eut l’air de douter.
— Euh ! ça sera dur ; encore une dizaine d’années comme celle-ci, et je commencerai à être las.
Il s’était penché pour baiser la petite menotte de Louise que Delphine tenait à son cou.
— Pauvre homme ! c’est vrai que tu n’as guère d’amusement ; toujours trimer et jamais rire. Tiens, prends donc ce panier : puisque tu vas au bourg, tu m’apporteras quatre livres de résine. Te voilà cent sous, avec ce qui te restera, tu peux bien faire une petite partie.
— Oh ! la partie, ce n’est pas mon fort ! Pour une fois, tout de même…
Il se pencha à nouveau vers la petite et vers la mère.
Dans la soirée, quand Maufrette revint de Coutigny, elle cria à sa voisine par la fenêtre étroite :
— Ne t’impatiente pas, Pâturelle ! celui de chez nous est attablé avec le tien et deux autres dans le Bas-Bourg ; nous les aurons à la retraite et frais sans doute.