Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/120

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— Dame ! répondit Delphine, c’est bien leur tour.

— Pour ça, oui, bonnes gens, c’est bien leur tour ! qu’ils en profitent donc !

À Coutigny, Séverin et Maufret étaient en effet en train de boire.

Séverin, le matin, était passé chez le propriétaire et chez le boulanger, et il leur avait fait casser à chacun dix sous sur ce qu’il leur devait. Après la messe, quand il eut acheté sa résine, il alla chez le charcutier ; il voulait faire une surprise à Delphine, qui n’avait pas mangé de viande depuis au moins deux mois ; dès le matin, lorsqu’elle lui avait remis cent sous, il avait songé à les employer pour elle. Il acheta donc une côtelette et un gros morceau de pâté qu’il fit envelopper soigneusement à cause de la pierre à chandelle qui se trouvait au fond du panier. Il lui resta encore cinquante sous ; il acheta un paquet de tabac et, ayant rencontré Maufret, il entra avec lui à l’auberge.

Elle était toute pleine, ce jour-là, la petite auberge, toute pleine de fumée et de bruit ; elle retentissait de la joie épaisse des misérables. Les jeunes juraient et riaient très fort ; il y avait des vieux à peau sèche, tout rasés, la lèvre et le menton bleus. Certains étaient gauches en entrant et s’asseyaient timidement ; c’est qu’ils ne se mettaient en dépense qu’une fois l’an ; faute d’habitude, ils ne savaient pas bien tenir leur place dans un écot. Tous jouaient des litres de vin. Ils buvaient comme on travaille, lentement, avec ordre, et ils versaient d’exactes verrées.

Séverin et Maufret se mirent aux cartes contre deux