Mortes, distantes de quelques journées. Le Rhône
était sous nos yeux. Pendant que j’admirais tout
cela, tantôt goûtant les choses de la terre, tantôt
portant mon âme en haut à l’exemple de mon
corps, je voulus jeter les yeux sur le livre des
Confessions d’Augustin, présent de votre amitié,
que je garde en souvenir de l’auteur et du donateur,
et que j’ai toujours entre les mains. J’ouvre
ce manuel d’un très petit volume mais d’un
charme infini, pour lire tout ce qui se présenterait,
car que pouvait-il se présenter qui ne fût pieux
et dévot ? Je tombai par hasard sur le dixième
livre de cet ouvrage. Mon frère, impatient d’entendre
de ma bouche quelque chose d’Augustin,
se tenait debout, l’oreille attentive. J’atteste Dieu
et celui qui était présent que mes yeux se posèrent
tout d’abord sur ce passage : Les hommes
s’en vont admirer la hauteur des montagnes, les
grandes agitations de la mer, le vaste cours des
fleuves, la circonférence de l’Océan, les évolutions
des astres, et ils s’oublient eux-mêmes[1].
Je fus stupéfait, je l’avoue, et, priant mon frère
avide d’entendre de ne pas me déranger, je
fermai le livre. J’étais irrité contre moi d’admirer
- ↑ Confessions, X, 8.